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La diffusion de la danse en France : des inégalités importantes. Entretien avec Daniel Urrutiaguer

La diffusion de la danse en France : des inégalités importantes. Entretien avec Daniel Urrutiaguer - Critique sortie
Crédit : DR Daniel Urrutiaguer, directeur de l’étude sur la diffusion de la danse en France de 2011 à 2017

Entretien / Daniel Urrutiaguer

Publié le 26 février 2020

Professeur en économie du théâtre à l’Université Sorbonne Nouvelle, Daniel Urrutiaguer a conduit une étude initiée et coordonnée par l’ONDA sur la diffusion de la danse en France. Il y analyse la question du déséquilibre du système.

Le secteur chorégraphique a fait le constat d’un goulot d’étranglement entre l’offre de spectacles et les possibilités de diffusion. Les tendances qui se dégagent de cette étude désamorcent-elles certaines idées reçues ou confirment-elles ce constat ?

Daniel Urrutiaguer : L’étude a permis de préciser l’importance des inégalités en matière de diffusion entre 2011 et 2015, en appui sur la base de données de la SACD. On peut dire que les inégalités sont importantes mais ne se sont pas aggravées au cours de la période. Par exemple, 1% des spectacles ont concentré presque 15% des représentations, et 1% des maîtrises d’œuvres (chorégraphes et directions de ballets, ndlr) concentrent 13% des représentations. Il n’y a pas non plus d’inflation de la création, et la durée de l’exploitation a même tendance à s’allonger. Une autre inégalité se situe en faveur des spectacles pour l’enfance et la jeunesse : leur nombre moyen de représentations par spectacle est environ 4,5 fois plus élevé que celui des spectacles tout public. Egalement, on a pu confirmer la domination masculine dans la diffusion : le niveau moyen de représentations par spectacle pour les compagnies dirigées par des hommes est supérieur de 24 à 45 % par rapport aux compagnies dirigées par des femmes.

« Il est important de s’engager dans le développement des publics pour pouvoir augmenter la diffusion des spectacles. »

Peut-t-on affirmer que le système est saturé ?

D.U. : Ce constat n’obtient pas de consensus de la part des professionnels, mais les résultats conduisent à se poser cette question de la saturation du système de production et de diffusion, et en même temps de l’importance des relations de coopération. C’est ce qui se dégage des études de cas que nous avons menées, avec notamment la question des résidences d’artistes, à condition que les relations soient équilibrées entre les temps de création, de diffusion et de sensibilisation artistique ou de rapport aux publics. Il est important de s’engager dans le développement des publics pour pouvoir augmenter la diffusion des spectacles. Là aussi il y a une divergence de vue a priori entre des chorégraphes qui estiment qu’il faudrait allonger les séries de représentations pour pouvoir débloquer le bouche à oreille, et les directions culturelles qui sont plus pragmatiques. Ce n’est pas l’allongement d’une série de représentations qui peut précéder le développement du public, c’est à partir du moment où on a développé le public qu’on peut augmenter l’offre chorégraphique.

Cela traduit-il des rapports de force entre producteurs et diffuseurs ?

D.U. : Cela crée des tensions, et le rapport de force dépend de la notoriété de chacun. On voit aussi des tensions dans l’évolution du prix de cession : les compagnies ont le sentiment d’une pression à la baisse du prix de cession, tandis que les directions d’établissements culturels estiment être confrontées à leur hausse. Cela paraît s’expliquer par une dégradation des conditions de production, avec des apports en coproduction qui sont plus fragmentés, plus limités, et qui s’accompagnent d’achats des premières représentations au coût du plateau. L’amortissement des frais de montage des spectacles se reporte alors sur les tournées, avec la nécessité pour les compagnies de négocier des marges bénéficiaires.

 

Propos recueillis par Nathalie Yokel

A propos de l'événement

La diffusion de la danse en France : des inégalités importantes. Entretien avec Daniel Urrutiaguer


Etude à l’initiative et coordonnée par l’ONDA, en partenariat avec le ministère de la culture (DGCA), avec le concours de la SACD, du CND, de l’ACCN, de l’A-CDCN, du SYNDEAC, du SNSP, et d’ARCADI Ile-de-France.

A télécharger sur : www.onda.fr/ressources/etudes-publications/

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