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Visages de la danse 2020

La danse, théâtre du futur ? Entretien avec Didier Deschamps

La danse, théâtre du futur ? Entretien avec Didier Deschamps - Critique sortie  Paris Chaillot - Théâtre national de la danse
Crédit : AΦE Une spectatrice plonge, grâce à son équipement, dans le monde des « réalités réinventées » avec Whist de la compagnie AΦE.

Chaillot Théâtre national de la Danse / Didier Deschamps
Entretien / Didier Deschamps

Publié le 26 février 2020

Les Réalités réinventées par les nouvelles technologies vont-elles révolutionner la danse ? Sommes-nous face au théâtre du futur ? Réponses avec Didier Deschamps, directeur de Chaillot – Théâtre national de la Danse, qui propose de découvrir au fil de la saison des spectacles et activités liés à la recherche technologique en art. 

Qu’est-ce qu’apportent les nouvelles technologies, les « réalités réinventées »  à l’aide de la VR (réalité virtuelle) ou de la VR-I (réalité virtuelle immersive) que l’on peut découvrir chez Gilles Jobin, la compagnie AΦE ou Adrien M. et Claire B. ?

Didier Deschamps : L’une des différences essentielles avec le spectacle traditionnel, c’est la situation du spectateur, puisqu’il est en déplacement, décide d’un certain nombre de séquences ou de la chronologie à suivre, dans un voyage solitaire ou en interagissant avec les personnes qui l’entourent. Virtuelles ou pas. Car on pourrait imaginer un spectacle virtuel auquel on assiste dans son fauteuil. La théâtralité emmène vers d’autres horizons, d’autres types de perception, puisque l’espace est à 360° et reproduit, de manière imaginaire, des décors ou des situations, en nous plaçant au milieu et non face à lui. Cela crée un certain nombre de sensations, réflexions, réactions totalement différentes, comme si on plongeait le spectateur dans un monde totalement inconnu. Il y a un rapport très fort, très sensible, à ce qui est perçu. Le spectateur est immédiatement transféré, téléporté dans un monde différent.

Peut-on dire que c’est le théâtre du futur ?

D.D. : Les artistes ont toujours utilisé les technologies de leur époque. Ils sont souvent novateurs, dans la mesure où ils posent à leurs techniciens, aux laboratoires avec lesquels ils travaillent, un certain nombre de questions concrètes, très pratiques, qui demandent que l’on invente des réponses technologiques aux besoins ou situations créés. Quantité de laboratoires de recherche sont vraiment intéressés et partants pour collaborer avec des chorégraphes et danseurs. C’est un terrain d’expérimentation formidable, et ils n’hésitent pas à l’investir.

Le spectacle vivant ne court-il pas le risque de disparaître ?

D.D. : Je suis persuadé que les nouvelles technologies vont permettre de se réapproprier l’usage corporel. Car les processus activés mettent en jeu le corps des artistes, des danseurs et des spectateurs. Je sais qu’il se prépare des spectacles comme La Veuve Joyeuse de Blanca Li où l’interaction va être continuelle entre spectateurs et danseurs dans l’espace réel, ce qui va permettre d’inventer de nouvelles modalités de communication et d’échanges. C’est toujours la représentation, et c’est aussi le futur qui entraîne d’autres façons de vivre le moment présent dans un environnement donné. Cet environnement n’est pas toujours celui que nous avons imaginé, projeté, puisqu’il est créé par l’artiste qui nous a invités à partager son expérience.

« Les nouvelles technologies donnent accès à l’au-delà de ce qui est physiquement possible. »

La danse comme « théâtre du futur » est-elle à la pointe de ces recherches ?

D.D. : Oui car les danseurs, chorégraphes, sont toujours confrontés à ce qui est possible ou ne l’est pas, quels que soient l’époque ou le niveau de virtuosité. Les nouvelles technologies donnent accès à l’au-delà de ce qui est physiquement possible, réalisable. Voilà de quoi provoquer une excitation incroyable chez les danseurs, d’autant que le propos consiste à donner cette capacité démiurgique aux spectateurs. Et qui n’a pas rêvé, un jour, d’être projeté dans les airs ou dans plusieurs espaces à la fois. Donc je pense que les danseurs, qui sont toujours confrontés à des limites concrètes, s’engouffrent très vite dans ces nouvelles capacités qu’ils ont toujours pressenties en eux. Quand un danseur ou une danseuse saute, il ou elle imagine dans sa tête et dans son corps la sensation de traverser l’espace. Si l’outil qui peut le permettre existe, même de façon imaginaire, on peut s’y intéresser. D’une manière générale, la danse a toujours été à la croisée des collaborations, des langages, avec cette curiosité et cette volonté de repousser sans cesse les limites.

Peut-on penser qu’il y aura davantage de spectacles comme ceux-là dans l’avenir ?

D.D. : Je crois surtout que ce sera un élément scénographique des futurs spectacles. Ce sera utilisé sans doute aussi pour définir de nouvelles modalités d’échange avec le public. Peut-être que les nouveaux théâtres qui seront construits devront intégrer cette dimension-là. Cela va être passionant à imaginer.

Propos recueillis par Agnès Izrine

A propos de l'événement

Compagnie AΦE, Whist
du mardi 10 mars 2020 au vendredi 20 mars 2020
Chaillot - Théâtre national de la danse
Place du Trocadéro et du 11 novembre. 75116 Paris

Compagnie Adrien M. & Claire B. Acqua Alta du 25 au 28 mars.

Tél. :01 53 65 30 00.

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