La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Le Cirque contemporain en France

L’horizontalité, gage de l’élévation

L’horizontalité, gage de l’élévation - Critique sortie
Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage Légende photo : La compagnie XY, collectif protéiforme et créatif.

Cirque et écriture collective

Publié le 11 novembre 2014

Fondée en 2005, la compagnie XY a successivement compté six, dix-sept et vingt-deux artistes. De spectacle en spectacle, ils aménagent les règles de la création collective. Denis Dulon fait partie des membres historiques d’XY.

« Chacun cherche, trouve, prend sa place. »

Comment la compagnie XY est-elle née ?

Denis Dulon : Comme un outil pour porter administrativement le premier spectacle, Laissez-porter. En 2005, nous étions six : quatre élèves et deux professeurs du Centre des Arts du Cirque de Lomme. Mahmoud Louertani et Abdeliazide Senhadji, nos professeurs, nous avait proposé ce spectacle pour aménager une passerelle entre le milieu de l’apprentissage et la profession, et pour que l’institution puisse repérer et suivre les jeunes artistes. XY a conservé depuis cette vocation : être un tremplin pour aider les jeunes artistes à entrer dans la profession. Autre principe philosophique fondateur et pérenne : le rapport au travail. On travaille beaucoup, avec une rigueur ancrée sur notre pratique acrobatique. Nous répétons beaucoup : c’est ce qui fait le ciment entre nous. Comme tout le monde habite à droite à gauche, nous répétons en tournée : de 9h30 à 15h et deux heures avant le spectacle.

Comment le collectif a-t-il peu à peu grossi ?

D. D. : Après Laissez-porter est né le projet du Grand C : nous avons invité des gens que nous connaissions, que nous avions croisés, qui avaient fait l’école de Lomme, et surtout qui collaient à notre philosophie et à notre type d’ambition. D’abord à dix-huit, puis à dix-sept, nous avons monté Le grand C en 2009. Le spectacle a bien marché : plus de trois cents dates en quatre ans. Le groupe, assez homogène, se mettait d’accord assez facilement. La notion de collectif est vraiment née avec ce spectacle ; la suprématie du rapport prof/élève s’est estompée, nous étions davantage dans un rapport d’échange entre artistes.

N’y a-t-il pas des limites au collectif ?

D. D. : Le collectif a un aspect utopique dont la réalité vient atténuer les ambitions : problèmes personnels, désaccords, choix individuels, blessures, grossesses. Pendant quatre ans, il y a eu pas mal de remplacements et seules trois ou quatre personnes ont joué toutes les représentations du Grand C. Toutes les décisions étaient collégiales, sur n’importe quel choix. Evidemment, comme toujours, il y avait des charismes naturels : des tracteurs et des wagons ! Mais les wagons pouvaient se rebiffer. Il n’y avait pas d’autorité en terme de censure. A la fin du grand C, nous avons eu l’idée d’un collectif encore plus gros, pensé à vingt-quatre et finalement réalisé à vingt-deux. Pour Il n’est pas encore minuit, il a fallu trouver un nouvel équilibre entre les nouveaux, plus nombreux, et les anciens.

Comment ?

D. D. : Sur Le grand C, l’horizontalité totale des rapports faisait que chacun pouvait proposer ses idées. Chacun cherche, trouve, prend sa place : tel était notre leitmotiv. Mais il est difficile d’embrasser de l’intérieur l’entièreté de ce que fait tout le monde à un instant donné. C’est pourquoi nous avons fait appel à Loïc Touzé pour nous aider à nous fédérer et à composer la structure finale. Dans Il n’est pas encore minuit, il est encore plus présent. Nous avons également composé, avec des anciens et des nouveaux, et des artistes d’inspirations différentes, un groupe de réflexion plus poussée, qui se charge d’avoir une vue d’ensemble sur la création. Par ailleurs, nous avons mis en place un nouveau système par petits groupes, pour pallier l’inertie de la collégialité. Pour toute la vie de la compagnie (le transport, les repas, la logistique, la presse, la communication, etc.), on délègue des tâches à des groupes réduits qui se font confiance entre eux. Cette confiance est aussi une des marques de XY.

L’organisation collective a-t-elle des conséquences artistiques ?

D. D. : Il y a une patte XY. Mais difficile de savoir ce que ça rend quand on est dedans ! Je ne suis pas sûr que la création collective donne une singularité particulière aux créations, sinon qu’on s’oblige à ce que tout un chacun y trouve sa singularité et son espace à lui. Le collectif est la quête de la mise en valeur de chacun.

 

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement


x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le spectacle vivant

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le spectacle vivant