théâtre est une forme de résistance de l’âme
Aurélie Ruby a commencé le théâtre à 13 ans dans une maison de quartier. Aujourd’hui, elle prépare Le jeu de l’île, d’après trois pièces de Marivaux, au CDN de Montreuil sous la direction de Gilberte Tsaï, en compagnie de sept élèves issus, comme elle, de la dernière promotion de l’Académie de théâtre en Limousin. Regard sur sa formation.
« Anton Kouznetsov développe une pédagogie inspirée de l’Est. Tout d’abord, les élèves de la promotion vivent dans une sorte de château à l’écart de Limoges, pendant trois ans. On cherche à constituer un groupe, et parallèlement les enseignants tentent de nous mettre en permanence dans un état créateur. On nous apprend à faire les choses avant de les comprendre, à se mettre en danger, à ne plus avoir peur. Résultat, l’Académie m’a donné les moyens de rêver le théâtre que j’ai envie de faire. Aujourd’hui, le théâtre a besoin de collectifs, dans une société individualiste, et un théâtre français qui l’est tout autant. Au début, j’avais des conflits entre moi et moi dans le théâtre. Et je me suis mise au service du groupe. Mon individualité est née là-dedans. Le théâtre nécessite de se mettre au service d’une tâche qui est plus grande que nous. C’est une forme de résistance de l’âme. On se doit d’avoir une vraie pensée, de ne pas aller dans le sens du divertissement. Pour autant, on n’est pas là pour brandir le poing en moralisant son monde. On s’adresse à l’humanité qu’il y a dans chaque personne, on cherche à faire rêver, à faire réfléchir, sans tomber dans le pathos. Grâce à Gilberte Tsaï et au souci d’insertion professionnelle de l’Académie, nous avons eu la chance de poursuivre l’aventure de groupe en venant à huit au CDN de Montreuil. Ensuite, nous allons nous heurter aux réalités. Mais j’espère que nous allons poursuivre l’aventure, que nous allons monter un collectif. Ce serait le plus beau cadeau de remerciement qu’on pourrait faire à Anton. »
Propos recueillis par Eric Demey