« Sous les fleurs », bouleversante création de Thomas Lebrun
Reprise / Chorégraphie Thomas Lebrun
Publié le 27 février 2024Thomas Lebrun hisse les couleurs du Mexique et des Muxes, ce troisième genre cher aux Zapotèques, dans une bouleversante création à la beauté envoûtante.
Elles sont cinq, en costumes fleuris et somptueux qui évoquent Frida Kahlo, sous des traits d’hommes. Entourées de murs colorés à vif par les superbes lumières de Françoise Michel, elles dessinent du haut du corps de larges gestes au ralenti, esquissent différentes poses – rires, conversations, élans de tendresse – comme autant d’instantanés qui défilent lentement sous nos yeux charmés. Des quatre ouvertures qui découpent les parois s’échappent des rumeurs de fêtes. Elles, ce sont des Muxes. La plupart d’entre elles vivent dans la ville de Juchitán de Zaragoza, au sud du Mexique. Elles sont reconnues dans la culture zapotèque comme un troisième genre. On leur réserve dans cette société matrilinéaire les mêmes droits et devoirs qu’aux femmes, mais elles ne sont pas autorisées à convoler. Cinq danseurs magnifiques de précision et d’intensité leur prêtent leurs visages tandis que, régulièrement, l’une des plus emblématiques d’entre elles, Felina Santiago Valdivieso, nous livre son témoignage recueilli par Thomas Lebrun et ses équipes lors d’une résidence de travail sur les lieux.
« Tu seras un homme mon fils »
Peu à peu elles se mettent en mouvement : procession un brin chaloupée qui fait légèrement danser leurs jupons autour d’elles, gestes délicats de broderie. Peu à peu elles s’effeuillent, nous laissant découvrir ce qui se cache Sous les fleurs aux sens propre comme figuré. Malgré le soin dont elles font preuve les unes envers les autres, leurs attitudes calmes et assurées, elles nous laissent deviner la violence qui gronde à l’extérieur de leur ville et de leur communauté, dans un Mexique homophobe et rongé par le crime, voire même au sein de leurs foyers, qui leur assignent un rôle dont elles ne peuvent s’extirper. Il y a décidément chez Thomas Lebrun quelque chose de Pina Bausch. Dans cette superbe scène où les bustes se plient, laissant s’envoler cheveux et bras, mais aussi dans cette façon de développer une signature singulière, qui nous émerveille par sa beauté et son raffinement tout en nous touchant aux tripes.
Delphine Baffour
A propos de l'événement
Sous les fleursdu mercredi 3 avril 2024 au samedi 6 avril 2024
Chaillot - Théâtre national de la danse
1 place du Trocadéro, 75016 Paris
Du 3 au 5 avril à 19h30, le 6 à 17h.
Tél. 01 53 65 30 00. www.theatre-chaillot.fr