« O » de Chloé Moglia qui aborde la complexité de notre rapport au vivant

Il y a bien sûr cette grande structure circulaire, cerceau géant qui forme un agrès très propice aux jeux de suspension que Chloé Moglia ne cesse d’approfondir dans sa recherche artistique. Mais au-delà de la référence au cercle d’acier, le titre O est aussi à aborder de façon polysémique : on y retrouve toute la démarche de l’artiste, très attachée à la question de la ligne, de la courbe et de la spirale, du zéro et de l’infini. Et, plus métaphoriquement, on y voit la figuration de la rondeur de notre planète, qu’elle ausculte dans ce spectacle de façon très directe. Autant ces précédents travaux s’arrimaient, en souterrain, dans des recherches nourries de pensées issues des sciences humaines et de la philosophie, autant cette pièce joue sur la mise au jour et l’attention au texte sans intermédiaire. Déjà, dans sa pièce L’Oiseau-ligne, les mots commençaient à se former. Ici, elle déploie lettres, mots et phrases également au tableau mais aussi sur de grands rubans figurant la ligne ou le lien.

Pour mieux nous concerner

Plus encore, c’est sur des citations que repose le spectacle, venues d’auteurs très divers (Emanuele Coccia, Richard Feynman, Farid Ud-Din Attâr, Val Plumwood, Richard Powers…). Toutes nous plongent aux origines de ce que nous sommes, en qualité d’êtres vivants partageant le même monde. La parole se fait large, dans une vision du monde éco-féministe et égalitaire. Dans ses suspensions, Chloé Moglia rassemble à la fois la puissance d’un corps aux muscles saillants et la fragilité d’une liane balancée par les vents. La suspension devient sa propre condition humaine, qui lui fait prendre de la hauteur comme pour mieux nous observer. L’œil qu’elle dessine et porte frontalement nous rappelle sans doute que tout ceci nous regarde.

Nathalie Yokel