Mamu Tshi, portrait pour Amandine et My body, my archive de Faustin Linyekula
Chaillot - Théâtre National de la Danse / chor. Faustin Linyekula
Publié le 26 février 2023Artiste associé à Chaillot, le chorégraphe Faustin Linyekula , qui vit à Kisangani (RDC), crée deux pièces, deux portraits qui transmettent un voyage vers le Congo et mettent en jeu des histoires fortes de filiations.
Comment avez-vous rencontré Mamu Tshi ?
Faustin Linyekula : J’ai rencontré Amandine Tshijanu Ngindu, connue sous le nom de Mamu Tshi, à Lausanne au Théâtre Vidy. C’est une jeune femme de 31 ans qui a grandi en Suisse et connaît à peine le Congo. Elle est krumpeuse, mais jusqu’à cette année, elle était professeure d’anglais et participait aux compétitions de krump pendant les vacances. Nous avons monté ce projet que nous cosignons après un voyage effectué cet été dans la région de Kasaï pour rencontrer sa grand-mère. Ma danse est toujours un moyen de partir à la recherche d’un morceau de Congo, éparpillé par les guerres, les colonisations… Ce voyage à la découverte d’une grand-mère qui ne parle que le tshiluba, une langue que Mamu Tshi ne parle pas, dans une région que je ne connais pas, est déjà une histoire en soi.
« On parle de restitution des biens culturels, mais comment pouvons-nous accueillir ces œuvres si nous ne savons pas ce qu’elles sont ? »
Quel est le sujet de My body, my archive ?
F.L. : Il y a cinq ans, je fus invité au Metropolitan Museum à New York où j’ai découvert une statuette qui venait de l’ethnie de ma mère. Ça m’a bouleversé. Les sculptures, masques, chants ou danses étaient une manière, pour nos ancêtres, d’archiver et de nous transmettre leur expérience de vie. J’ai pris une photo et je suis allé dans le village de mon grand-père maternel pour la montrer en espérant que certains pourraient se souvenir, et peut-être produire encore des œuvres comme celle-ci. Mon espoir n’a pas été déçu : ces formes étaient très fragilisées, mais pas mortes. J’ai rencontré un jeune homme qui m’a raconté l’histoire de mon clan sur huit générations. Sans qu’aucun nom de femme n’apparaisse. C’est alors que j’ai demandé à un grand artiste, Gbaga, de sculpter pour moi ces femmes disparues du clan maternel qui apparaîtront toutes sur scène. Voilà la trame de My body, my archive.
Les deux pièces sont des histoires de filiation. Pourquoi est-ce important pour vous ?
F.L. : C’est peut-être une manière de chercher le lien avec mes propres enfants. Notre premier fils vient d’avoir 18 ans, il est parti et vit à Paris. Au quotidien, il a accès à la partie française de son héritage. Comment transmettre l’autre partie si je n’ai pas moi-même toutes les clefs ? On parle de restitution des biens culturels, mais comment pouvons-nous accueillir ces œuvres si nous ne savons pas ce qu’elles sont ? En lingala, le mot lobi désigne à la fois le passé et le futur. Je trouve fascinant que les anciens n’aient trouvé qu’un seul mot qui renferme ces deux notions qui semblent opposées, mais qui englobent ce que l’on reçoit et ce que l’on transmet.
Propos recueillis par Agnès Izrine
A propos de l'événement
Mamu Tshi, portrait pour Amandine et My body, my archive de Faustin Linyekuladu mercredi 14 juin 2023 au samedi 17 juin 2023
Chaillot - Théâtre national de la danse
1 place du Trocadéro, 75016 Paris
Tél. 01 53 65 30 00. theatre-chaillot.fr.