Elle chante sur les plus grandes scènes du monde, du Metropolitan de New York au Covent Garden de Londres, a obtenu pas moins de cinq victoires de la musique, et les ventes de ses enregistrements sont des exceptions dans la crise actuelle du disque… Natalie Dessay occupe toujours une place incontournable dans le domaine de la musique classique. Le DVD de Pelléas et Mélisande de Debussy paraît cet automne chez Virgin Classics.
« J’attends du metteur en scène qu’il me dirige de manière très précise. Le chanteur doit être acteur. »
Quel regard portez-vous sur l’école française de chant ?
Natalie Dessay : Je suis sortie du circuit d’enseignement du chant il y a vingt ans. Je ne sais donc pas bien ce qu’est l’école française de chant. Mais ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui, si j’étais jeune, j’irais aux Etats-Unis, car il y a là-bas le plus grand choix de professeurs. On y est très bien préparé à débuter dans le métier.
Comment voyez-vous l’évolution stylistique de l’interprétation sur ces vingt dernières années, notamment dans le domaine de la musique ancienne ?
N.D. : J’ai du mal à entendre aujourd’hui Mozart joué sur des instruments modernes. Je suis arrivé avec la révolution baroque, qui a apporté à mon sens d’autres couleurs musicales. J’enregistre prochainement un disque d’airs de Haendel avec Emmanuelle Haïm et Le Concert d’Astrée. Et je vais aussi chanter l’Oratorio de Noël de Bach cet hiver avec Jean-Christophe Spinosi et l’ensemble Matheus.
Comment vous situez-vous par rapport aux polémiques sur les mises en scène d’opéra ? Etes-vous plutôt traditionnelle ou moderniste ?
N.D. : J’aime les bonnes mises en scène, qui ont du sens. J’ai chanté récemment une Manon de Massenet (mise en scène de David McVicar) replacée dans son contexte d’époque, qui était très bien réalisée. Mais j’adore aussi ce que fait un Christoph Marthaler. J’attends du metteur en scène qu’il me dirige de manière très précise. Le chanteur doit être acteur. Je ne sais néanmoins pas si je ferais quand même Rigoletto de Verdi sur la planète des singes !
Qu’attendez-vous du chef d’orchestre à l’opéra ?
N.D. : A l’opéra, c’est le metteur en scène qui doit être le maître d’œuvre. Si le chef veut détenir le pouvoir, il n’a qu’à diriger des versions de concert. J’attends donc qu’il y ait un vrai travail d’équipe entre le chef et le metteur en scène. J’aime quand le chef respire vraiment avec les chanteurs. Mais par contre, je déteste quand il arrive avant le début des répétitions et qu’il nous dit ce qu’on doit faire. On doit construire ensemble. C’est pour cela que je ne fais plus de productions de répertoire en Allemagne où il n’y a que trois jours de répétition. Imagine-t-on monter Hamlet au théâtre en trois jours ?
Vous êtes l’une des artistes de musique classique qui vendez le plus de CD. Quel regard portez-vous sur la crise du disque ?
N.D. : Je pense que le CD va disparaître petit à petit. Notamment en raison du téléchargement. On est condamné, mais faut-il se désoler que les dinosaures aient disparu ?
Quels sont vos temps forts pour la saison 2009/2010 ?
N.D. : A l’Opéra de Paris, je vais tenir le rôle de Musette dans La Bohème. Je voulais vraiment chanter du Puccini, un compositeur que j’adore. Ce sera mon premier et probablement mon dernier Puccini. Après cette incursion, je chanterai, toujours à l’Opéra de Paris, dans La Somnambule de Bellini, une production qui a été créée à Vienne. Je reprends La fille du régiment de Donizetti au Covent Garden dans la mise en scène de Laurent Pelly et je chante, en fin de saison, La Traviata de Verdi à Tokyo. Dans un autre registre, puisque je ne chante pas, je fais une lecture, cette saison, de La Petite sirène d’Andersen à l’Opéra de Lyon.
Propos recueillis par Antoine Pecqueur