Diptyque : La Bête Noire et Petite Reine de Raphaëlle Boitel, une traversée intime en deux temps

« Si depuis la création de ma compagnie L’Oublié(e) en 2012, j’ai surtout créé des pièces collectives mêlant différentes disciplines, mon goût de l’exploration de formes toujours différentes m’a menée au solo en 2017. J’avais alors le besoin de revenir sur scène, que j’ai beaucoup pratiquée en tant qu’interprète avant de la quitter pour me consacrer à la mise en scène. J’ai alors créé La Bête Noire, sorte d’autoportrait qui me permettait de revenir sur mon passé de contorsionniste, d’aller en introspection. Le dos, et plus précisément la colonne vertébrale est centrale dans cette pièce courte mais intense, en tant que foyer des douleurs de la contorsionniste, souvent réduite en tant qu’artiste à un état d’animalité. J’avais alors déjà l’idée d’un diptyque voire d’un triptyque de portraits de femmes de cirque. Elle s’est concrétisée lorsque j’ai décidé de transmettre cette partition en 2024 à Vassiliki Rossillion que j’ai mise en scène dans Le Cycle de l’absurde, spectacle de fin d’études de la 32^ème promotion du CNAC. Dans le même temps, j’ai eu l’envie de créer un deuxième solo pour une autre artiste de la même promotion, Fleuriane Cornet. Soit Petite Reine, où elle incarne avec son agrès qu’est le vélo acrobatique une femme sous emprise amoureuse.

Des femmes en clair-obscur

La question de la transmission est au cœur de ce diptyque. En mettant en scène deux jeunes artistes que j’ai rencontrées lorsqu’elles finissaient leurs études, et avec qui je collabore très régulièrement depuis pour mes créations, j’avais l’envie de leur faire partager d’une manière très intime mon écriture. C’est là l’un des points communs des deux parties du diptyque, de même que le traitement de luttes intérieures. Les deux pièces sont encore reliées par le travail sur la lumière en clair-obscur de Tristan Baudouin et la musique d’Arthur Bison, qui sont toujours au cœur de mon écriture. Entre La Bête Noire et Petite Reine toutefois, on peut observer l’évolution de mon univers, qui va depuis quelque temps davantage puiser du côté du théâtre afin de raconter des histoires. On passe d’une forme abstraite qui sollicite largement l’imaginaire, à une expression plus narrative. Avec la recréation de son premier volet, ce diptyque est aussi une façon de mettre en valeur le répertoire de la compagnie, qui est une chose très importante pour moi. Nous avons en effet quatre pièces qui tournent cette saison, ce qui est d’autant plus précieux que la période est difficile pour le spectacle vivant. »

Propos recueillis par Anaïs Heluin