La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

La danse dans tous ses états

Chroniques africaines

Chroniques africaines - Critique sortie Danse Paris Atelier de Paris-Carolyn Carlson
Andréya Ouamba Crédit : Antoine Tempé

La danse, un art politique
Entretien Andréya Ouamba

Publié le 23 février 2018

De Sueur des ombres à sa prochaine création, De quoi sommes-nous faits ?!, Andréya Ouamba, danseur et chorégraphe congolais installé à Dakar, met en scène les drames africains.

«  Je questionne dans De quoi sommes-nous faits ?! les autorités familiale, sociale et politique. »

Dans Sueur des ombres que vous avez créé en 2012, vous évoquez la guerre et le génocide qui ont frappé le Congo.

A. O. : J’ai quitté le Congo en 1999. Lorsque j’y suis retourné dix ans plus tard, tout avait changé, le paysage, les habitudes… Ce pays s’est complètement dégradé à cause des différents événements qu’il a traversés. Les gens ont commencé à construire des séparations ethniques dans leur façon de penser, leurs paroles. Pourtant ce n’est pas le cas dans leur vécu. Le problème vient des hommes politiques qui nous vendent cette information : celle d’un problème ethnique. Mais il n’existe pas vraiment puisque les Congolais continuent à se marier du Nord au Sud, à se côtoyer du Nord au Sud. C’est une des choses que je voulais exprimer avec Sueur des ombres. La question physique est très forte dans cette pièce, où des gens sont comme jetés sur le plateau. On peut ne pas le voir si on reste à un niveau superficiel mais à l’intérieur, les congolais ont été détruits.

Vous avez ensuite créé une pièce dénonçant les élites politiques africaines et leurs discours manipulateurs : J’ai arrêté de croire au futur.

A. O. : Deux ou trois ans après la création de Sueur des ombres, j’ai fait plusieurs voyages. En une année je suis allé à Ouagadougou, Cotonou, Yaoundé, Brazzaville et Niamey. Dans chaque pays que je traversais il y avait des élections. En arrivant à Yaoundé, j’ai été frappé par de grandes affiches de Paul Biya, président du Cameroun depuis plus de 30 ans, qui avaient pour slogan « Nouvelle ère » ! Qu’est-ce qui fait que ces hommes politiques ont la capacité de nous emmener dans leurs faux rêves ? C’est là que l’idée de cette pièce a commencé à germer. J’ai arrêté de croire au futur est un projet dans lequel je questionne le discours des hommes politiques, et notre place en tant que citoyens. On reste aujourd’hui sur des systèmes rouillés. Au Congo, 80 % des jeunes veulent partir. Quel est le rêve que ce pays donne à sa jeunesse ? L’éducation est complètement bafouée dans toute l’Afrique. Quand nous étions gosses, dans les années 1980, Télé Zaïre ouvrait sur un discours de Mobutu. Nous avions 10 ans et nous connaissons encore tous ce discours par cœur parce qu’il passait tous les jours à la télé. C’est avec ça que l’on nous a construit. Dans la pièce, un comédien camerounais lit un texte qu’il a lui-même écrit en se fondant sur les banalités des discours politiques. Au début, les danseurs sont très affranchis, dans la revendication. Mais à la fin tout le monde s’écroule, le dictateur, les danseurs et le décor.

Quel est le thème de votre prochaine création, De quoi sommes-nous faits ?! ?

A. O. : De quoi sommes-nous faits ?! part de moi, non en tant qu’artiste, mais en tant qu’individu faisant partie d’une famille, d’un pays, d’un peuple, d’un groupe ethnique. Je questionne dans cette pièce les autorités familiale, sociale et politique. Cela me ramène, comme dans J’ai arrêté de croire au futur, à Ceausescu, Mobutu, Sassou ou Kim Jong-un, qui s’imposent comme des pères de la nation. J’y raconte mon histoire. Notamment ce jour de 1993 à Brazzaville, en pleine guerre, où j’ai préféré rentrer chez moi au péril de ma vie et braver les généraux, plutôt que de risquer de subir la colère de mon père. Je travaille avec une danseuse, Clarisse Sagna, dont la partition aborde le rapport à son père, à sa mère, à sa famille. Kouam Tawa a quant à lui écrit des textes magnifiques qui parlent des événements qu’il a vécus au Cameroun. Nous serons quatre sur le plateau : Kouam, Clarisse, Press Mayindou, un guitariste congolais incroyable, et moi. Comme l’indique son sous-titre, ce projet s’affirme comme Un solo à plusieurs.

 

Propos recueillis par Delphine Baffour

A propos de l'événement

Chroniques africaines
du vendredi 16 mars 2018 au samedi 17 mars 2018
Atelier de Paris-Carolyn Carlson
Route du Champ de Manœuvre, 75012 Paris

à 20h30. Tél. 01 417 417 07. Durée : 1h.

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