Ce que tu vois de Gaëlle Bourges
Théâtre de la Ville – Les Abbesses / Chor. Gaëlle Bourges
Entretien Gaëlle Bourges
Publié le 24 février 2019
Gaëlle Bourges, artiste associée au Théâtre de la Ville depuis 2018, y présente sa dernière création, Ce que tu vois. Nous l’avons rencontrée.
Votre nouvelle création, comme À mon seul désir, part d’une tapisserie ancienne. Cette fois il s’agit de la tapisserie de l’Apocalypse qui date du XIVe siècle et qui est visible à Angers….
Gaëlle Bourges : Oui, elle illustre l’Apocalypse de Jean, dernier texte du Nouveau Testament. C’est amusant de constater que nous en connaissons de nombreuses scènes, même sans avoir lu ce texte, car beaucoup de blockbusters américains reprennent des images décrites par Jean : la coupe de la colère de Dieu qui déborde, etc. Pour moi, c’est l’occasion de mieux connaître ce texte à travers cette tapisserie et ses figures qui nous permettent d’y entrer, à nous performeurs, à cause des postures très étonnantes. Par exemple, le personnage principal est toujours sur la pointe des pieds, il se tient la joue et il pleure. Il est toujours intéressant de donner corps aux physiques anciens en deux dimensions.
Pourquoi l’avez-vous appelé Ce que tu vois ?
G.B. : C’est une phrase de l’Apocalypse de Jean. Il est sur l’Ile de Patmos, a des visions et entend Dieu lui dire : « ce que tu vois, écris-le dans un livre ». J’aime beaucoup cette idée, et j’aurais préféré la totalité de la phrase mais c’était un peu long. Pour voir des choses pareilles, il devait être une sorte de chaman du monde chrétien. Cette injonction de Dieu au premier siècle de notre ère retentit sur moi qui vois cette tapisserie, et je la transmets au public : que voit-on ? C’est une question que l’on peut se poser tout le temps.
« Ce qui m’intéresse, c’est celui qui est regardé. »
C’est votre question fondamentale…
G.B. : C’est mon mantra ! A chaque fois c’est un déplacement du regard que j’opère. Ce qui m’intéresse plus encore que de me mettre à la place de celui qui regarde, c’est celui qui est regardé. Passer de la deuxième à la troisième dimension, par exemple d’un nu sur une toile à un nu sur le plateau, ça change la donne !
Vous introduisez dans votre création le film de Chris Marker, La Jetée. Pourquoi ?
G.B. : Par association libre. Au moment où je commençais à travailler sur la tapisserie, je me suis demandée si un compositeur avait créé une Apocalypse. Pierre Henry l’avait fait, et j’aime beaucoup la musique concrète. C’était absolument fabuleux, la musique faisait aussi peur que le texte. Elle comportait un narrateur, Jean Negroni, qui est également celui de La Jetée. En revoyant le film, je me suis aperçue qu’il parlait d’une apocalypse, où les survivants logent dans les souterrains de Chaillot. Finalement j’ai abandonné Pierre Henry car sa musique tellement dense nous écrasait, mais j’ai gardé l’idée de La Jetée. Le livre écrit par Le Comité invisible A nos amis a aussi imprégné la création. J’y ai vu un parallèle avec le texte très violent de Jean écrit pour que les humains changent les choses. Car L’Apocalypse, qui signifie révélation, est un appel à la résistance, qui suppose une fin heureuse.
Propos recueillis par Agnès Izrine
A propos de l'événement
Ce que tu vois de Gaëlle Bourgesdu mercredi 20 mars 2019 au dimanche 24 mars 2019
Théâtre de la Ville Les Abbesses
31, Rue des Abbesses 75018 Paris
Mer. 20, jeu. 21, ven. 22, sam. 23 à 20h. Dim. 24 à 16h.
Tél. : 01 42 74 22 77. Durée : 1h30.