Théâtre et nouvelles technologies : de nouveaux partenaires
Selon Béatrice Picon-Vallin, les technologies [...]
La formation théâtrale en France
Libre, clairvoyant, généreux, Antoine Vitez reste la référence incontournable
du théâtre français de la seconde moitié du XXème siècle. Nada Strancar, qui fut
son élève et l’une de ses « reines de théâtre », témoigne de son
enseignement et de son compagnonnage.
Le metteur en scène Antoine Vitez était-il différent du pédagogue ?
Nada Strancar : Non, il travaillait exactement de la même façon avec ses
acteurs et ses élèves. D’ailleurs, il considérait ses étudiants comme des
comédiens à part entière. Il rejetait toute idée de scolarisation, de méthode
évolutive pour envisager la formation théâtrale de manière globale, en mêlant
sans cesse technique et dramaturgie. Et ce qui était formidable, c’est qu’il
n?était jamais dans la sanction. Antoine Vitez ne disait jamais « c’est bien »
ou « ce n?est pas bien ». Il possédait une forme de grande générosité, ne
brusquait personne, veillait à ne jamais prendre ses comédiens en flagrant délit
de bêtise. Il percevait toutes nos tentatives comme des réponses intelligentes
sur lesquelles il rebondissait pour activer nos envies, nourrir nos recherches,
nos réflexions. Souvent par le biais de métaphores que nous devions nous
approprier pour découvrir comment faire prendre corps en nous à ses propos.
C’est à partir de nos propositions qu’il construisait ses spectacles, ce qui
était une façon pour lui de rendre les comédiens vraiment responsables de la
mise en scène et de la dramaturgie. Car il n?était absolument pas accroché à son
?uvre. Pour lui, le spectacle s’inventait tous les soirs. Une fois que sa mise
en scène était faite, elle appartenait entièrement aux acteurs.
« [Vitez] veillait à ne jamais prendre ses comédiens en flagrant délit de
bêtise. »
La relation qui l’unissait à ses élèves et comédiens était donc
essentiellement fondée sur la confiance?
N. S. : Tout à fait. Sur la confiance et la liberté. La façon qu’il avait
de ne jamais nous prendre en défaut de quoi que ce soit nous rendait totalement
libres, audacieux, nous permettait de sortir de tout narcissisme pour dépasser
nos limites. Je crois que ça a été l’un des premiers metteurs en scène à
véritablement révéler l’incarnation des corps au théâtre. Sous son impulsion,
les comédiens se jetaient corps et âme dans la créativité scénique. C’est
peut-être d’ailleurs cela qui le caractérise le mieux : cette manière
d’envisager son art aussi bien d’un point de vue du corps que de l’âme. Et puis,
aussi, l’intelligence et la culture incroyables, universelles, à travers
lesquelles il concevait un théâtre englobant la totalité du monde, un théâtre à
la fois extrêmement exigeant et intelligible par le plus grand nombre, un « théâtre
élitaire pour tous », selon sa célèbre formule. Antoine Vitez faisait preuve
d’une grande clairvoyance et d’une grande originalité dans sa lecture des
?uvres, travaillait énormément sur le verbe, le langage, le rythme, la voix des
écritures’ Tout cela dans une atmosphère très joyeuse. Car il ne s’agissait pas
du tout de quelqu’un d’austère ou de solennel. C’était un artiste et un
intellectuel qui ?uvrait dans la cité, dans le concret, dans la vie.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
Selon Béatrice Picon-Vallin, les technologies [...]