La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

La formation théâtrale en France

Le marionnettiste, démiurge de sa propre création.

Le marionnettiste, démiurge de sa propre création. - Critique sortie

Publié le 10 mars 2011

Lucile Bodson est directrice depuis 2003 de l’École Nationale Supérieure des
Arts de la Marionnette (ESNAM), créée en 1987 à Charleville-Mézières. Avec le
responsable pédagogique, Jean-Louis Heckel, elle accompagne les promotions vers
le diplôme des Métiers des Arts de la Marionnette.


Le diplôme de l’ESNAM s’acquiert en trois années.

Lucile Bodson : La promotion s’appuie sur une première année probatoire :
vingt-six élèves sont engagés sur dossier, audition, stage probatoire et
nouvelle audition. Une partie de la formation est collective, l’autre
individualisée. Certains viennent de la pratique théâtrale avec l’intention
d’être aidé sur l’expression dramatique par ce jeu par délégation qu’est l’art
de la marionnette. D’autres viennent plus résolument d’univers plastiques. Ce
stage probatoire met à niveau tous ces élèves grâce à une approche des arts
plastiques, du corps, du jeu dramatique et à une réalisation. La présence sur le
plateau de la marionnette ou du matériau conduit d’abord à parler en images.

Des vingt-six élèves sélectionnés, seize continuent le cursus.

L. B. : La seconde année, les élèves sélectionnés appréhendent la
composition et l’expérimentation des potentiels d’écriture de la marionnette, de
l’objet et de l’image. L’année Beckett a été une occasion pour les élèves de
travailler sur Fin de partie. Ils ont présenté des solos en mars
après une rencontre avec de jeunes auteurs en résidence à la Chartreuse de
Villeneuve, et une deuxième création a lieu en juin sous la direction des
metteurs en scène Frank Soehnle et Roland Shön. La troisième année est centrée
sur la recherche et la création. Les apprentis développent une écriture scénique
sur un texte de Philippe Minyana en résidence à l’École, à voir en janvier 2008.
Un projet personnel est présenté enfin devant jury, public et professionnels, ce
qui favorise les repérages et l’entrée dans la vie professionnelle.

« L’intérêt de l’École tient à cette capacité d’élargir le champ de vision du
jeune en formation. »

Qu?apporte l’art de la marionnette à la formation théâtrale ?

L. B. : Je crois qu’au-delà de la marionnette et de ses techniques
traditionnelles de fabrication ou de manipulation, l’intérêt de l’École tient à
sa capacité à former de jeunes professionnels enclins à une approche
particulière des écritures scéniques contemporaines. C’est l’ère aujourd’hui de
la transversalité – l’opéra et l’image vidéo, la danse et l’objet, le théâtre et
l’image ou la scénographie animée. Les manipulateurs, les comédiens et les
acteurs marionnettistes sont porteurs d’un potentiel d’écriture et de
propositions scéniques grâce à leur apprentissage sur le plateau de la
construction scénographique, en privilégiant la relation du corps à l’espace, du
corps à l’objet. Ce jeu du comédien conduit à l’expression d’une forme théâtrale
spectaculaire. Les jeunes diplômés sont capables de mener leur propre projet et
de répondre à des préoccupations de metteur en scène ou de « coacher » des
acteurs sur la manipulation. L’intérêt de l’École tient à cette capacité
d’élargir le champ de vision du jeune en formation.

Comment expliquer cet intérêt recrudescent pour la marionnette ?

L. B. : La marionnette répond aux préoccupations du théâtre qui cherche à
s’éloigner du réalisme et à travailler sur l’image et les nouvelles
technologies. En regardant ces jeunes artistes oeuvrer dans la proximité des
outils modernes, je reconnais les réflexes et les savoir-faire d’une tradition.
Le marionnettiste réfléchit à la forme de la marionnette qu’il manipule, il
cherche à être en adéquation avec son propos. S’il réalise une marionnette à
fils avec une technologie sophistiquée, l’ensemble peut être remplacé par un
ordinateur qui envoie des effets. Le marionnettiste est le démiurge de sa propre
création. La distance constante avec laquelle il travaille lui permet d’accéder
avec justesse à la retransmission d’une expression contemporaine. Les nouvelles
générations sont familiarisées avec le code de l’image. L’engouement suscité par
les expositions Dada et Rauschenberg explique cette facilité contemporaine à
décoder les univers plastiques. Et dès que ces univers sont présentés sur la
scène, le spectateur s’y retrouve.

Propos recueillis par Véronique Hotte

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