La formation théâtrale en France
« Le vrai maître est celui qui sait se rendre inutile. »
Prolongeant le travail artistique qu?il effectue avec le Théâtre équestre
Zingaro, Bartabas a créé l’Académie du spectacle équestre de Versailles en
2003. Une « compagnie-école » qui, au-delà de la technique, cherche à faire
émerger la personnalité de l’être plutôt que de l’interprète.
Quelle est la principale vocation de votre Académie ?
Bartabas : C’est de prodiguer un enseignement artistique ouvert,
pluridisciplinaire, à des cavaliers confirmés qui souhaitent devenir des écuyers
artistes. A travers Zingaro, j’ai créé une forme de représentation qui
n?existait pas. Avant que naisse cette Académie, il n?y avait pas d’institution
qui formait les artistes auxquels je suis susceptible de faire appel. J’ai donc
décidé de fonder une « compagnie-école » ? ne décernant pas de diplôme, ne
faisant passer aucun examen ? dont la discipline principale est l’art équestre.
Pourquoi avoir choisi de compléter cet enseignement avec des cours de danse,
de chant, d’escrime, d’arts plastiques’ ?
B. : Parce que je souhaite qu’en plus de la technique, chaque écuyer
puisse enrichir sa sensibilité artistique, ce que j’appelle son sentiment, ainsi
que sa personnalité. A l’Académie du spectacle équestre, on se joue plus
soi-même qu’on ne joue un rôle. Je ne veux surtout pas modeler des interprètes
automates. Pour moi, il s’agit avant tout d’une école de la vie. Je crois que ce
qui est vrai dans le cadre de l’activité artistique, l’est également dans
l’existence de tous les jours.
Sur quoi se fonde votre pratique pédagogique ?
B. : Sur une forme d’autonomie et de responsabilisation des écuyers.
« A cheval, on n?a jamais fini d’apprendre. »
J’essaie d’intervenir le moins possible, de leur apprendre à apprendre, à
devenir responsables du quotidien comme des représentations. Pour moi, le vrai
maître est celui qui sait se rendre inutile. J’irais même jusqu’à dire que les
élèves de notre « compagnie-école » devraient avoir l’impression de tout faire
tout seul, d’apprendre essentiellement par eux-mêmes. La notion de groupe me
paraît également fondamentale. Je me suis battu pour forger un esprit de troupe
à l’Académie, esprit à travers lequel je souhaite que chacun puisse s’épanouir à
n?importe quel âge et à n?importe quel stade de son évolution. Car à cheval, on
n?a jamais fini d’apprendre. Idéalement, on doit donc pouvoir rester vingt ans
au sein de cette compagnie-école et ne jamais cesser de s’enrichir.
Selon vous, quels bénéfices des élèves comédiens pourraient-ils tirer
d’ateliers d’art équestre ?
B. : De nombreux bénéfices. Par exemple, l’apprentissage du relâchement
dans la tenue, de l’écoute du corps, de la rigueur dans le travail’ Chaque
erreur se paie très cher en équitation, il faut donc faire preuve d’une grande
maîtrise de soi, afin de ne jamais être maladroit ou injuste à l’égard de
l’animal. L’art équestre est une école de la prévoyance, du respect, de
l’attention et de la générosité. Le cheval, comme un miroir, renvoie toujours ce
qu’on lui donne. Le côtoyer, c’est apprendre le don de soi que nécessite toute
activité artistique.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat