La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Hop là, nous vivons !

Hop là, nous vivons ! - Critique sortie Théâtre
Le héros (Gauthier Baillot) sur le bureau du ministre félon (Vincent Garanger).

Publié le 10 février 2008

Les idéalismes révolutionnaires gagnés par l’usure du temps et la nécessité de l’intégration sociale. Ernst Toller retrouve vie et véhémence grâce à la maîtrise scénique de Christophe Perton.

Hop là, nous vivons ! Le titre de la pièce (1927) de Ernst Toller vient d’un air de jazz, en vogue à Paris ou bien à Berlin, issu du continent américain dans les premières décennies du vingtième siècle. Depuis New York entre autres, ville d’exil dès 1933 où l’écrivain se suicide en 1939, désespéré par la défaite des Républicains espagnols. Toller avait participé à la République des Conseils de Munich dont la chute, due à la victoire allemande de la social-démocratie grâce aux militaires de droite, lui a coûté la forteresse de 1919 à 1924, le temps d’écrire brillamment drames et poésies. Toller incarne la loyauté d’un écrivain expressionniste engagé dans l’esthétique et l’éthique libertaires de son époque. Le dramaturge a vécu de près l’écartèlement entre la volonté révolutionnaire et la résignation de la maturité, entre l’envie de lutte et le désir de fuite devant un monde désespérément quotidien. Un monde où la masse l’emporte, éloignée de la moindre vertu révolutionnaire. Le prémonitoire Karl Thomas, héros de la pièce Hop là, nous vivons ! ressemble fort à l’auteur blessé par le drame de la vie. Après huit ans d’enfermement dans un asile psychiatrique, suite à une révolte populaire, le rêveur anarchiste et romantique pénètre dans une société tendue vers la seule conquête économique, où rôde le spectre du nazisme.

Vivacité des scènes chorales et intimes
Les retournements moraux des anciens camarades s’accumulent. L’un devient ministre, l’autre fanatique aveugle d’une démocratie de pacotille, une autre syndicaliste ouvrière forcenée. Pendant la détention de Karl, l’étrangeté du monde s’est imposée. La mise en scène du directeur du CDN Drôme-Ardèche, Christophe Perton, propose, grâce à la vidéo, des intermèdes cinématographiques, la déclinaison des images d’archives – le Traité de Versailles, l’agitation de la Bourse à New York, le fascisme en Italie, la famine à Vienne, l’inflation en Allemagne. Des traces en désordre de la conquête nouvelle du cinéma comme de la musique de jazz. Les femmes actives sont coiffées à la garçonne. Toller ironise sur le triomphe de la barbarie, du nationalisme et de la haine raciale : « Apprends les vertus du barbare, opprime le faible, élimine-le brutalement et sans pitié, désapprends à sentir la souffrance d’autrui… » Un discours antithétique à l’adresse de nos temps incertains pour une invitation à une réflexion vigilante. Epopée d’un révolutionnaire humaniste, vivacité des scènes chorales et intimes et splendeur des convictions. Saluons Gauthier Baillot, Vincent Garanger, Nicolas Pirson, Nicolas Struve, Claire Wauthion, Olivier Werner et les autres…
Véronique Hotte


Hop là, nous vivons !
De Ernst Toller, traduction César Gattegno et Béatrice Perregaux, mise en scène de Christophe Perton, du 6 au 23 février 2008 à 20h30, dimanche 17 février à 15h, Théâtre de la Ville- Théâtre des Abbesses, 31 rue des Abbesses 75018 Paris Tél : 01 42 74 22 77 Spectacle vu à la Comédie de Valence

A propos de l'événement


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