Classique / Opéra - Entretien / Christophe Grapperon
Hervé, l’autre génie de l’opérette française
OPERETTE / TOURNEE NATIONALE
Publié le 25 octobre 2015 - N° 237On dit souvent d’Hervé (1825-1892), de son vrai nom Louis-Auguste-Florimond, qu’il fut le véritable inventeur de l’opérette, avant Offenbach et ses grands succès. Longtemps restées dans l’ombre, la personnalité et l’œuvre de ce compositeur « toqué » sont en passe de connaître une réhabilitation salutaire. Portée par le Palazzetto Bru Zane, le Centre de musique romantique française installé à Venise, la Compagnie Les Brigands crée une nouvelle production des Chevaliers de la Table ronde (1866), dans une version sur mesure pour douze chanteurs et douze instrumentistes : Thibault Perrine en signe l’orchestration, Christophe Grapperon la direction musicale et Pierre-André Weitz la mise en scène.
Pourquoi connaît-on selon vous encore si mal l’œuvre d’Hervé ?
Christophe Grapperon : Hervé est un personnage probablement plus énigmatique, plus corrosif que ses contemporains. Son œuvre est toute empreinte de sa personnalité originale. C’est un inventeur qui ne ménage jamais la loufoquerie. Cette folie, apparemment sans limites, peut faire peur. Bien que l’œuvre soit géniale, une suspicion plane sans cesse, comme s’il existait une faille. Cela le rend équivoque mais toujours touchant. À l’inverse, Offenbach se situe dans une conception plus moderne du compositeur : rationnel, efficace, multilatéral, son génie laisse moins de place au doute.
« Hervé est un inventeur qui ne ménage jamais la loufoquerie. »
Comment s’est porté le choix sur cet ouvrage en particulier ?
C. G. : Cela faisait longtemps, au sein de la compagnie des Brigands, que nous voulions jouer un Hervé. Le partenariat avec la fondation Bru Zane a été déterminant. Après avoir regardé plusieurs ouvrages, le choix s’est porté sur Les chevaliers de la table ronde, qui présente plusieurs avantages : c’est une œuvre où les personnages sont d’importance équivalente, ce qui correspond à l’esprit de la compagnie. Les péripéties de l’œuvre nous ont apparu intéressantes également. Créée d’abord en 1866, elle fut remaniée en 1872, et les deux versions racontent beaucoup sur le changement du genre bouffe après la guerre de 70. Nous sommes partis du livret très bien troussé de 66 où on entend toute la verve et le burlesque typique d’Hervé. De la version de 72 nous avons gardé des pages de musique magnifiques d’inspiration plus lyrique.
Plus largement quelle est la marque de cette musique d’Hervé dont on sait qu’il est l’inventeur de l’opérette, avant Offenbach ? En quoi justement Hervé est-il différent d’Offenbach ?
C. G. : Offenbach est prolifique : par son immense production il délimite le genre bouffe. Hervé, bien que produisant aussi un grand nombre d’opus, n’a pas la même aisance et urgence à capter le moment, à saisir son époque. Hervé reste un inventeur, génial mais artistiquement centré sur son moi. Musicalement j’aime mettre en regard les postures de ces deux génies notamment concernant le pastiche : Offenbach copie en mettant à distance son modèle, ce qui provoque le comique, là où Hervé s’identifie complètement et compose un opéra bouffe de la même manière qu’un opéra seria.
Propos recueillis par Jean Lukas
A propos de l'événement
Hervé, l'autre génie de l'opérette françaisedu dimanche 22 novembre 2015 au vendredi 30 janvier 2015
Dimanche 22, lundi 23, mercredi 25, jeudi 26, vendredi 27 novembre 2015 à l’Opéra National de Bordeaux (33). Samedi 5 décembre à l’Opéra de Massy (91). Mercredi 9 décembre au Théâtre La Coupole de Saint-Louis (68). Vendredi 11 décembre à l’Opéra de Reims. Dimanche 13 décembre au Centre culturel Le Figuier Blanc d’Argenteuil (95). Jeudi 17, vendredi 18 décembre au Théâtre Liberté de Toulon (83). Et aussi du 9 au 14 janvier à Nantes, du 16 au 19 à Angers, les 21 et 22 à Bourges, le 26 à Charleroi (Belgique), le 28 au Centre des Bords De Marne du Perreux-sur-Marne, le 30 janvier au Théâtre de Chelles, etc.