La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Hedda de Sigrid Carré-Lecoindre, mis en scène par Lena Paugam

Hedda de Sigrid Carré-Lecoindre, mis en scène par Lena Paugam - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de Belleville

de Sigrid Carré-Lecoindre / mes Lena Paugam

Publié le 22 janvier 2020 - N° 284

Dans Hedda, écrite pour elle par l’auteure Sigrid Carré Lecoindre, Lena Paugam incarne avec nuances et sensibilité le personnage éponyme de la pièce. Une femme victime de violences conjugales, qui tente une reconstitution de son histoire d’amour et de coups.

C’est sur le ton du conte que Lena Paugam aborde l’histoire de Hedda, l’héroïne éponyme de la pièce que Sigrid Carré Lecoindre a écrite pour elle. Hedda, éditrice de 33 ans, dit-elle avec l’air de qui plonge dans ses souvenirs et tente pour les exprimer de trouver les mots les plus justes possible, est une personne plutôt timide. Une fille qui s’habille pour passer inaperçue, et qui bégaye lorsqu’elle se sent observée, en danger. Tout commence par une soirée à laquelle elle a longtemps hésité à se rendre. C’est là que, malgré ou peut-être grâce à sa maladresse, elle séduit celui qui deviendra son compagnon. Tout les sépare. Si elle bute sur les mots, lui les manie avec un art et une facilité qui font de lui le centre de l’attention. Tout en formulant régulièrement des réserves quant à la fidélité de sa mémoire aux faits passés, la narratrice raconte l’amour qui naît. Les mots sont précis, rythmés. Lena Paugam, qui signe aussi la mise en scène de Hedda, les fait résonner avec un tremblement qui annonce la suite de la romance. Ses joies, et surtout ses violences. Après l’idylle, des rapports de force s’installent dans le couple. Ils débouchent sur des coups, suivis de tentatives d’apaisement, de reconstruction. Avant de nouveaux coups.

Après le silence, le cri

Très librement inspirée de la figure de l’Américaine Hedda Nussbaum, célèbre pour avoir été accusée en 1987 par son mari violent d’avoir tué sa fille adoptive, le personnage central de Hedda est clairement né d’une colère. Celle de Lena Paugam et de Sigrid Carré Lecoindre, complices de longue date, face à la dépénalisation des violences domestiques en Russie, en 2017. Bien que parlant à la troisième personne, et portant parfois la parole de l’homme, la comédienne donne avant tout à approcher le point de vue de la victime. Sa tentative de « travailler les possibles du monde humain au-delà du bon sens, de la bonne conduite, de l’admissible » ne réussit que partiellement. Hedda est le cri d’une femme qui aurait sans doute gagné à être soit davantage assumé par l’auteure autant que par l’interprète et metteure en scène, soit mis à distance par d’autres voix. Reste que les mécanismes de la violence conjugale sont décrits et joués avec une subtilité qui ne fléchit qu’à de rares moments. Dans la seconde partie de la pièce, une fois que les humiliations d’abord ambiguës font des traces sur la peau d’Hedda, les silences sont parfois plus stridents que les mots.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Hedda
du mercredi 8 janvier 2020 au lundi 23 mars 2020
Théâtre de Belleville
16 passage Piver, 75011 Paris.

le mercredi à 19h, les jeudis et vendredis à 21h15, le samedi à 19h30 et le dimanche à 15h. Tel : 01 48 06 72 34. www.theatredebelleville.com

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