La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

H.H.

H.H. - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Giovanni Cittadini Cesi Légende photo : Les membres de ce conseil municipal extraordinaire

Publié le 10 décembre 2011 - N° 193

Avec cette nouvelle création au théâtre du Rond-Point, le dramaturge contemporain, Jean-Claude Grumberg, met en scène l’une de ces farces sinistres dont il a le secret. H.H. glace et force le trait.

Sur le plateau, Jean-Claude Grumberg, qui dit avoir écrit la première scène « comme une blague » réunit les membres du conseil municipal d’une petite ville de Bavière. A l’ordre du jour : le baptême du nouvel établissement scolaire. Le nom du poète allemand d’origine juive, Heinrich Heine, a déjà été retenu. Et les initiales H.H de cette très belle figure emblématique du mouvement romantique européen, sont d’ores et déjà coulées dans le bronze prêtes à orner le fronton du collège récemment sorti de terre. Las, quelques conseillers fraîchement élus entendent revenir sur cette décision et formulent une autre proposition : donner à l’établissement en question le nom de l’un des natifs « célèbres » de l’endroit dont il se trouve qu’il autorise la préservation des initiales en bronze et qui n’est autre que le suppôt du IIIème Reich, Heinrich Himmler. Pour trancher, on examinera les deux œuvres littéraires de Heine et Himmler. On fera entendre les poèmes du premier et les lettres du second. Ubuesque ? Jean-Claude Grumberg souligne au contraire la plausibilité de la situation dramatique dans ce contexte socio-politique contemporain qui, symptomatiquement, autorise le surgissement d’un discours sur l’inanité de la connaissance historique pour certains comme sur l’inutilité de lire « La Princesse de Clèves » pour d’autres.
 
Ironique jusqu’au malaise
 « Je veux pouvoir faire théâtre de ces choses authentiques, historiques, les faire entendre en les intégrant dans une provocation, une farce ». Indisposante tragi-comédie contemporaine, H.H., inspirée par cette ligne de conduite démiurgique qui vaut à son créateur d’être qualifié d’ « auteur tragique le plus drôle de sa génération », pousse l’ironie voire la bouffonnerie jusqu’au malaise. Dans cette veine jusqu’au peut-on aller au théâtre ? H.H. répond, qui explore, dans la forme, ce territoire à la limite, aux confins du fameux « quand on en rit on devrait en pleurer » sur fond d’exposition du pire de l’humain en exhumant les lettres immondes écrites par le nazi Heinrich Himmler. Jean-Claude Grumberg, qui signe aussi la mise en scène, réserve à sa pièce un traitement d’une simplicité crue, dérangeante. Le parfait ordonnancement du décor, au mobilier figé dans les années trente, fait froid dans le dos. Surplombant le plateau, un immense tableau, allégorie d’un mauvais goût recherché, accentue la sinistre impression de l’ensemble. Face au public, occupant les chaises raides alignées au cordeau, les cinq protagonistes passent houleusement à table. Plus vrais que nature, les acteurs entrent dans la peau de la médiocrité sur-réaliste, effrayante, de leurs personnages avec une sensible délectation.  
 
Marie-Emmanuelle Galfré


H.H., texte et mise en scène de Jean-Claude Grumberg. Du 25 novembre au 24 décembre, du mardi au samedi à 21h, les dimanches à 15h30 (relâche exceptionnelle le dimanche 4 décembre). Théâtre du Rond-Point, salle Jean Tardieu, 2 bis, avenue Franklin D.Roosevelt, 75 008 Paris.Tél.01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.fr

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