Black out
Cette pièce du chorégraphe suisse Philippe [...]
Bartabas signe avec le danseur flamenco Andrés Marin une liturgie équestre à la fois puissante et chargée.
Un parfum d’encens grise à peine la pénombre, se perd dans une rumeur lointaine de cathédrale. Un nain aux boucles d’ange plusieurs fois ravive la flamme électrique d’un candélabre à piécettes et jette l’ombre d’une menace dans sa soutane. Tout aspire déjà au cérémonial qui va s’accomplir… Le centaure alors entre en scène, traînant un pénitent qui se flagelle à genoux. Ainsi commence le chemin de croix que Bartabas et Andrés Marin ont tracé ensemble, guidés par l’iconographie des mystiques espagnols du 16e siècle et les motets de Tomás Luis de Victoria (1548-1611), prêtre catholique et grand polyphoniste de la Renaissance. Tandis que la voix pénétrante du contre-ténor Christophe Baska, accompagné au luth et au cornet, berce les ténèbres d’Agnus Dei, d’Alléluia et Sanctus, le cavalier et le danseur flamenco composent une série de tableaux, déployés comme autant de stations d’une Passion hantée par l’ascèse, la quête de transcendance, la vanité de l’ordre temporel, l’animalité et le sacré.
Images fascinantes
Depuis quelques années, Bartabas trouve dans la rencontre artistique matière à enrichir son art. Il a ainsi récemment frayé avec le danseur de buto Ko Murobushi puis la chorégraphe Carolyn Carlson. Avec le Sévillan Andrés Marin, qui a débarrassé le flamenco de tout folklore pour en révéler l’éclat impétueux et la puissante transe, il ouvre son univers aux couleurs sombres portées par la Contre-réforme catholique et la culture andalouse, avec ses processions de la Semaine Sainte, ses défilés de pénitents et ses crucifixions. Golgota n’évite pas la grandiloquence des clichés et la grande pompe de la messe, même si la solennité est heureusement rayée de traits d’humour. Manquent aussi des liens pour coudre mieux ensemble les images qui font forte impression par leur beauté hiératique, découpées dans un clair-obscur à la Caravage. Cette liturgie équestre fascine cependant par la force des symboles convoqués, lorsque Bartabas et sa monture s’écroulent soudainement dans la terre noire, lorsqu’Andrés Marin, debout sur un fauteuil, se cabre et libère un zapateado furieux, lorsque le cheval danse ou bien erre au seuil de l’échelle qui grimpe vers la croix et console l’homme abandonné ici bas… Entre les deux hommes et l’animal se noue le mystère d’un dialogue secret, le murmure d’une méditation sur le destin de mortel. Leurs corps tendus en offrande, leurs musculatures nerveuses blessées par les années, dévoilent la chair dans sa lumineuse fragilité… profondément humaine.
Gwénola David
Spectacle créé à Bonlieu, scène nationale d’Annecy. En tournée : du 31 octobre au 6 novembre 2013 au Grand Théâtre de Provence / Aix-en-Provence, tél : 08 2013 2013 ; du 12 décembre au 15 décembre 2013 à la Maison de la Culture d’Amiens ; du 14 avril au 11 mai 2014, au Théâtre du Rond-Point / Paris ; du 22 mai au 27 mai 2014 à La Coursive, Scène Nationale de La Rochelle ; du 2 juin au 6 juin 2014 à l’Odyssud / Blagnac.
Cette pièce du chorégraphe suisse Philippe [...]