La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

George Dandin

George Dandin - Critique sortie Théâtre
Une version masquée, alerte et truculente de la comédie de Molière.

Publié le 10 janvier 2008

Mario Gonzales orchestre les déboires de Georges Dandin telle une corrida théâtrale, drôle, caustique et fébrile. Une pièce tout public.

Comme souvent chez Molière, le trait comique n’empêche pas une cruelle noirceur, et les déboires de George Dandin en disent autant sur le conflit entre « gentilhommerie » et paysannerie qu’entre hommes et femmes, chacun devant tenir son rôle et son rang. Le sujet principal de la pièce est bien là : l’impossibilité de bousculer les conventions et les carcans sociaux, l’impossibilité de mettre en oeuvre une émancipation digne de ce nom, pour le paysan comme pour la femme. L’ascenseur social dans lequel Dandin s’engouffre avec une méchante naïveté, en épousant Angélique de Sotenville, – sans se préoccuper une seconde des sentiments de la Demoiselle -, s’avère être « une grande sottise ». Lui-même l’avoue dès les premières scènes, son mariage est « une leçon bien parlante à tous les paysans qui veulent s’élever au-dessus de leur condition ». Spécialiste de la commedia dell’arte et du jeu de masques, Mario Gonzales met en scène la pièce dans une version masquée truculente, alerte et toujours en mouvement, telle une corrida théâtrale, avec en guise d’arène une cour pavée ronde, et en fond de scène le logis de Dandin, lieu de duperies, de mensonges et d’humiliations, jusqu’à l’estocade finale.

Une mise sous silence de tout son être
Masques et costumes participent à la raillerie voulue par l’auteur, comme le montrent les beaux-parents de Dandin, fats, gonflés de vanité ridicule et fielleuse. Les masques gomment l’âge des personnages, mais leur expression figée agit comme révélateur, en exacerbant les tensions et soulignant la distance qui sépare les personnages. Sous la poussée de la bêtise, il enlaidit le visage humain, le rend monstrueux. « Le masque est comme un traducteur : il dit ce que le visage ne peut pas dire. Il s’agit d’un art très spectaculaire, qui permet à la fois de décaler et d’approfondir certains aspects de jeu», confie le metteur en scène. Le visage étant privé de toutes ses possibilités expressives, c’est le geste, la voix, qui prennent le relais, dans une fébrilité à la fois drôle, tendue et anxieuse, car le génie comique se teinte ici d’un réalisme sombre, d’une amère lucidité devant les travers humains et le poids des conventions, empoisonnant la société toute entière. Ainsi l’aspect farcesque de la pièce n’empêche pas Dandin de cheminer vers une fin tragique, vers une sorte de mise sous silence de tous ses désirs, de tout son être. Prisonnier d’une conscience de soi en conflit avec tout ce qui l’entoure, il ne peut plus rien. Une pièce lucide et sans concessions où les railleries comiques voisinent avec une cinglante amertume. 

Agnès Santi  


George Dandin de Molière, mise en scène Mario Gonzales, du 29 janvier au 3 février, du mardi au samedi à 21h, sauf jeudi à 19H30, matinées les mardis, jeudis et vendredis à 14h30, dimanche à 16H, au Théâtre 95, allée du Théâtre, 95021 Cergy-Pontoise. Tél : 01 30 38 11 99. 

A propos de l'événement


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