La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Festival

Galin Stoev

Galin Stoev - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 juin 2007

L’inextinguible besoin de sens

« Je ne saurais pas vivre si je ne savais pas qu’il y a, en plus de tout le reste, quelque chose encore. »… déclare la Femme de Loth à Dieu, dans Genèse 2 d’Ivan Viripaev. Galin Stoev, metteur en scène bulgare installé à Bruxelles, retrouve le jeune auteur russe pour une pièce qui questionne avec une redoutable habilité la religion et le besoin de croyance, la perte de repères et les errements de notre époque.

Est-ce là l’écho d’un désarroi spirituel qui frappe la civilisation occidentale ?

Je préfère parler de « perte de sens », qui travaille les êtres à l’Ouest comme à l’Est mais qui est dissimulée différemment. En Russie, beaucoup jouent les croyants, les personnalités politiques, Poutine en tête, se montrent à l’Eglise, qui, bannie durant la période communiste, reconquiert un pouvoir et comble un besoin de spiritualité laissé vaquant. Ici, la religion est presque un sujet tabou, surtout dans le milieu culturel ! En fait, nous vivons une situation paradoxale, tendue de conflits insolubles, tandis que l’effacement des repères nous coupe de nous-mêmes. Nous devons pourtant l’assumer. Peut-on ouvrir un espace au-delà de ces conflits, un horizon au-delà du destin tragique, pour sentir un avenir, pour vivre ? Ivan Viripaev questionne la religion en tant qu’institution mais montre ce besoin inextinguible de « quelque chose de plus » qui taraude l’humain et qui constitue sa force créatrice.

Genèse 2 procède d’un curieux emboîtement de plusieurs textes où la position de l’auteur se déplace sans cesse : Ivan Viripaev mêle une pièce écrite, dit-il, par Antonina Velikanova, une femme internée pour schizophrénie dans un hôpital près de Moscou, des extraits de sa correspondance avec elle et des chansons de son cru…

Je ne sais si cette femme existe et peu m’importe, du point de vue dramaturgique. Le titre s’entend à double sens. Il évoque l’Ancien testament, ainsi que le processus même de naissance du texte, autant comme écriture que comme réflexion dans la tête de celui qui lit ou regarde. Ivan Viripaev propose un matériau hybride qui, tel un organisme vivant, se métamorphose sous nos yeux et nous entraîne dans une spirale de manipulation du sens, au bord du gouffre de nos incertitudes existentielles.

 « Pour nous, le vrai spectacle ne se déroule pas sur scène mais dans l’esprit et le corps du spectateur. »

Quelle est la singularité de son écriture ?

Ivan Viripaev écrit directement le « méta-texte », qui se trouve habituellement enfoui sous les différentes couches sémiologiques du langage. Son théâtre, radical, n’offre pas de résolution et cherche à déloger le public de sa position de consommateur pour le rendre actif, l’inviter à déterminer lui-même son parcours et son implication dans le spectacle. Pour nous, le vrai spectacle ne se déroule pas sur scène mais dans l’esprit et le corps du spectateur. D’autre part, Viripaev utilise les mots comme des notes et suit une logique plus musicale que linéaire. Le sens advient peu à peu par les rythmes, les vibrations, les refrains…Cette écriture demeure inachevée et fait appel à la création du metteur en scène, des acteurs et enfin des spectateurs qui lui permettent de trouver son accomplissement.

Quel travail ce théâtre exige-t-il pour les acteurs ?

Le mode d’adresse, direct, détaché de l’approche psychologique, cherche à établir une continuité entre la scène et la salle. Les comédiens, tels des ouvriers du plateau, construisent le labyrinthe où les spectateurs vont frayer leur chemin. Ils ne doivent pas jouer le mais du personnage, comme un musicien se sert de son instrument pour faire entendre le thème musical.

A propos de l'événement

Avignon 2007

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