Frédéric Maurin et l’Orchestre National de Jazz
JAZZ / ONJ / FREDERIC MAURIN
Publié le 1 octobre 2019 - N° 280A la suite d’Olivier Benoit en poste de 2013 à 2018, c’est un autre guitariste qui vient de reprendre les commandes de l’ONJ, Frédéric Maurin, déjà reconnu pour son travail à la tête de groupe Ping Machine. Cette douzième aventure artistique de l’ONJ est placée sous le signe de l’ouverture maximum : aux répertoires, aux formats, aux compositeurs et aux générations de publics et d’interprètes. En attendant dans l’avenir une carte blanche à Eve Risser et une collaboration avec Steve Lehman, l’ONJ aligne avec force en cette rentrée ses premières créations : Dancing In Your Head(s), un hommage à Ornette Coleman ; une grande création collective intitulée Rituels ; Dracula, une proposition jeune public ; et enfin la création d’un « Orchestre des Jeunes de l’ONJ ». Le début d’un parcours sans faute ?
UN EXTRAIT DU DOSSIER COMPLET CONSACRE A L’ONJ A DECOUVRIR EN RUBRIQUE « FOCUS »
Cette rentrée débute sur la perspective d’une proposition inédite de la part de l’ONJ : un spectacle jeune public.
Frédéric Maurin : C’est un axe de travail qui me paraît très important. Face aux industries de la musique, nous sommes un peu comme David contre Goliath. Néanmoins, c’est en agissant que l’on peut résister, en faisant en sorte que les enfants entendent autre chose, et que cela fasse son chemin dans leur tête. Cela ne veut pas dire que tous vont devenir fans de jazz, mais que, au moins, cette porte leur aura été ouverte. J’avais envie d’un spectacle qui aborde des thèmes comme la vie, la mort, l’amour, la peur… Inspiré de Dracula, dans une adaptation très libre de Bram Stoker, il prend la forme d’un conte musical, avec deux comédiennes et onze musiciens. C’est un divertissement plein de profondeur.
« Il est important que l’ONJ joue une musique qui représente diverses esthétiques. »
Vous sortez de studio, où vous venez d’enregistrer un nouveau répertoire de l’ONJ intitulé « Rituels ». Quelle perception en avez-vous ?
Frédéric Maurin : Je suis très content du travail qu’a fourni l’orchestre. L’ingénieur du son m’a d’ailleurs dit avoir été impressionné par sa musicalité. La particularité de ce programme est d’être articulé autour de quatre voix — trois voix de femme, une voix d’homme. Il a été coécrit par Ellinoa, Leila Martial, Sylvaine Hélary, Grégoire Letouvet et moi. Je leur ai proposé de travailler sur l’idée d’une journée de rituel. Quatre voix permettent d’avoir un chœur, qui fait partie de l’orchestre, et de sortir du format voix-chanson en allant vers une autre forme d’écriture sans empêcher qu’il y ait des moments de soliste. Le programme est cohérent tout en offrant une forme de diversité de couleurs et de propositions qu’il n’aurait pas obtenues écrites par une seule personne.
« Rituels » succède à un premier opus consacré à la musique d’Ornette Coleman, choix qui a pu paraître un peu paradoxal pour inaugurer un orchestre de création…
Frédéric Maurin : Bien que le programme Ornette Coleman et « Rituels » soient décalés de six mois, ils font partie du même début de mandat. Il est important, à mes yeux, dans une idée d’orchestre « public », que l’ONJ joue une musique qui représente diverses esthétiques et pas uniquement ce que j’écris. L’orchestre se doit de rayonner le plus largement possible. Il faut qu’il soit entendu, que le milieu du jazz puisse adhérer à ce qui s’y fait. Jouer la musique d’Ornette Coleman correspond parfaitement à sa mission. De même qu’en 2021, nous allons rejouer la musique d’André Hodeir. Je comparerais presque l’ONJ avec l’Ensemble Intercontemporain : comme nous, ils font en parallèle de la recréation de musiques du XXe siècle et de la création. Ce n’est pas antinomique, et c’est même une bonne chose, parce que cela permet à l’orchestre de jouer dans des endroits où il ne jouerait pas sinon.
L’une des innovations de votre orchestre est la parité hommes-femmes. Etait-ce, au départ, une ambition personnelle ou une exigence politique ?
Frédéric Maurin : C’est une juste nécessité. Je ne donne de leçon à personne : les gens qui créent leur orchestre font comme ils veulent, comme ils peuvent. En revanche, nommé à l’Orchestre national de jazz, j’ai pensé qu’on était arrivé à un moment où il devenait nécessaire de donner une autre image que six femmes en trente-deux ans d’existence… J’ai passé du temps à entendre des musiciennes, pas forcément les plus exposées. Rien n’aurait été pire que d’aller chercher des « noms » parmi celles déjà reconnues, acculé par une sorte d’injonction politique… Ce qui compte, c’est que les gens soient bons, qu’ils jouent bien, qu’ils soient de grands artistes. Il est vrai, en revanche, que c’est du travail parce qu’on trouve très peu en France de femmes trompettistes, trombonistes, guitaristes… On a un énorme déficit. Il y a un problème sur la façon dont les jeunes filles se représentent ces musiques.
Il y a un problème sur la façon dont les jeunes filles se représentent ces musiques.
A quoi sert un Orchestre des Jeunes de l’ONJ ?
Frédéric Maurin : Il sert à faire réexister les anciens répertoires de l’ONJ. Je trouvais dommage que cette musique reste dans les cartons. Or elle fait partie – même si le mot ne plaît pas aux gens du jazz — du patrimoine de la création de notre pays. C’est aussi un outil de repérage et d’accompagnement dans l’insertion professionnelle.
Propos recueillis par Vincent Bessières
A propos de l'événement
du samedi 9 novembre 2019 au samedi 9 novembre 2019Rituels, nouvelle création de l’ONJ composée par Ellinoa, Sylvaine Hélary, Leïla Martial, Grégoire Letouvet et Frédéric Maurin :
Festival Jazzèbre. Palais des Congrès. 1, Place Armand Lanoux, 66000 Perpignan. Vendredi 18 octobre à 20h30. Tél. : 04 68 51 13 14
Maison de la Radio, Studio 104, 116 avenue du Président Kennedy, 75016 Paris. Samedi 9 novembre à 20h30. Tel. 01 56 40 15 16. Places : 12 à 26€.
Dancing in your head(s), arrangements Fred Pallem, l’ONJ à l’écoute d’Ornette Coleman :
Les 10 novembre au Festival Jazzdor Strasbourg, le 14 novembre à D’Jazz Nevers Festival et le 15 novembre à Jazz Vibrations au Théâtre 71 de Malakoff.