François Rancillac met en scène Hermann de Gilles Granouillet : une belle et poignante rêverie
Avignon Off / La Manufacture
Publié le 26 juin 2022 - N° 301Fruit de l’association entre la compagnie de Gilles Granouillet et celle de François Rancillac, Hermann propose une belle et poignante rêverie en forme de voyage mental autour du sentiment amoureux.
C’est une pièce qui commence par un saut dans le temps, treize ans en arrière. Mais aussi un saut dans l’espace, celui d’un point à un autre du Nord au Sud de la France, et celui mental – ou plutôt ceux – que pratique la mémoire qui toujours tord la réalité, qui parfois perd sa cohérence et sa logique chronologique pour s’accrocher à quelques fragments suspendus, entêtés, lacunaires. Comme dans les contes, le plus improbable surgit dans une soudaineté bluffante, ici sans intervention extérieure de fées ou sorcières, mais plutôt au creux d’une plongée intérieure où quatre protagonistes rassemblés font face à une énigme troublante. L’histoire en forme d’enquête voire de road-movie touche au cœur grâce aux talents conjugués du dramaturge Gilles Granouillet et du metteur en scène François Rancillac, qui signe là sa sixième collaboration avec l’auteur stéphanois. D’une beauté élégante et émouvante, servies par une scénographie signée Raymond Sarti qui rend possibles une multitude de projections, transparences, trouées imaginaires et chevauchements, les paroles mises en scène tissent un captivant paysage, où se dessinent d’insoupçonnées ouvertures.
Mémoire et amour
Au départ Léa se souvient. Neuropsychiatre dans un hôpital, Léa Paule (Claudine Charreyre) entend à travers une porte entrebaillée une voix qu’elle reconnaît. Celle d’Hermann (Clément Proust), un jeune homme qui treize ans auparavant avait été amené dans son service par la police lorsqu’elle travaillait dans le Sud de la France. Sans repères, égaré, il ne se rappelait que d’un prénom, Olia, celui d’une femme aimée et perdue. Cardiologue bien installé dans le même hôpital, Daniel Streiberg (Daniel Kenigsberg) et sa femme Olia (Lenka Luptáková) furent alors chacun à leur manière totalement bouleversés par l’arrivée de Boris Hermann. Fantasme, fantôme, parfaite incarnation d’une pure histoire d’amour, parfaite incertitude aussi, Hermann reconfigure les attentes, transforme et ravive le quotidien. Comme dans une rêverie, le spectateur est happé par ce bouleversement fondamental qui réactive l’importance du désir, de l’attention, jusqu’à parvenir à figer le temps. Impeccables, les comédiens donnent corps au voyage avec intensité et délicatesse à la fois. “C’est ça la mémoire : le puzzle d’hier recollé par les mains d’aujourd’hui ” suggère Léa Paule. Un puzzle vibrant et touchant, d’excellente facture.
Agnès Santi
A propos de l'événement
François Rancillac met en scène Hermann de Gilles Granouillet : une belle et poignante rêveriedu jeudi 7 juillet 2022 au mardi 26 juillet 2022
Avignon Off. La Manufacture
2 rue des Écoles 84000 Avignon. À la Patinoire, avec navette.
à 19h30, relâche les 13 et 20 juillet. Tél. : 04 90 85 12 71. lamanufacture.org Spectacle vu en mars 2022 au Centre des Bords de Marne au Perreux-sur-Marne.