François Rancillac / Mère à la mer !
Théâtre de l’Aquarium / Ma mère qui chantait sur un phare / de Gilles Granouillet / mes François Rancillac
Publié le 18 décembre 2012 - N° 205Le directeur du Théâtre de l’Aquarium met en scène un texte de son vieux complice Gilles Granouillet : l’odyssée rocambolesque de Marzeille et Perpignan, remuant ciel et terre pour sauver leur mère !
Accroche : « L’écriture de Granouillet possède un incroyable pouvoir d’évocation. »
Que raconte cette histoire ?
François Rancillac : C’est une saga, écrite comme une sorte de road movie en bord de mer. Tout se passe dans un milieu très modeste : Granouillet a le chic pour faire parler ces gens-là, avec toutes leurs contradictions, sans pathos ni misérabilisme, mais avec une vraie dignité. L’histoire se passe donc entre la plage et la ville, au bord d’une mer un peu perdue, ni touristique ni attrayante. Le père est parti et la mère élève seule ses deux garçons, comme elle peut, avec des hauts et des bas. Et ce matin-là, maman a vraiment pété les plombs ! Elle s’est juchée en haut d’un phare flottant, elle s’est déshabillée, et elle chante tout son malheur à l’océan. Marzeille (le plus grand des fils) et Perpignan (le cadet, ainsi nommé parce que Perpignan est plus petit que Marzeille !) sont prévenus par un étrange monsieur, que Perpignan prend pour le Bon Dieu, et sont guidés par une jeune fille blonde qui apparaît et disparaît : il faut sauver Maman !
Quel est le sens de ce sauvetage ?
F. R. : C’est une sorte de quête d’identité et de vérité, un cheminement initiatique. Marzeille et Perpignan quittent l’enfance, découvrant du même coup leur extrême solitude : ils font appel à des adultes qui sont incapables ou qui refusent de les aider. Ils comprennent que leur mère est une femme, objet de désir possible. Ils ne provoquent que des catastrophes pour la sauver, mettant à jour des secrets de famille, forçant les adultes à quitter leurs petits arrangements. Bref : ils vont obliger ce petit monde ankylosé à bouger.
Comment décrire le texte de Gilles Granouillet ?
F. R. : On voit les choses par les yeux des deux garçons. L’auteur mélange le style direct et le style indirect ; tout est raconté par les enfants. On est un peu dans la même situation que quand on écoute le commentaire en direct d’un match de foot : on vit l’émotion grâce à celui qui la vit et la raconte. Et pour cela, l’écriture de Granouillet possède un incroyable pouvoir d’évocation.
Comment mettre en scène cette mise en abyme ?
F. R. : On est parti d’une question simple : d’où tout cela parle-t-il ? On en est arrivé à l’idée d’une scénographie avec trois rideaux successifs, devant lesquels les personnages viennent raconter leur histoire. Les personnages qui ne sont pas dans l’adresse directe restent à vue dans les coulisses, et interviennent dans le récit de l’autre, un peu comme dans un rêve, ou selon le principe d’un chœur qui n’arrêterait pas de changer de point de vue. Chaque rideau arraché découvre un autre rideau. Au fur et à mesure, l’espace se creuse pour arriver à la pleine mer, qui est un espace vide. Raymond Sarti a imaginé des rideaux en bâche translucide pour jouer sur cet espace onirique de limbes, pour faire apparaître les fantômes. Dans cet espace très simple, presque abstrait, les deux gamins vont raconter toute l’histoire, et la faire naître comme on l’invente sur un terrain de jeu, avec, évidemment un important travail de la lumière et du son. Le théâtre de Granouillet est à la fois très incarné et pas du tout réaliste : il faut donc seulement donner ce qui peut faire image dans l’imaginaire du spectateur. En même temps, et l’air de rien, ce théâtre n’arrête pas de réinventer l’art théâtral. Il nous force à interroger ce que c’est que parler au théâtre, ce qu’il en est de l’espace et du temps : on est sans cesse à la limite de ce qu’on sait faire au théâtre.
Propos recueillis par Catherine Robert
A propos de l'événement
François Rancillac / Mère à la mer !du vendredi 4 janvier 2013 au dimanche 3 février 2013
theatre de l'aquarium
La Cartoucherie, route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris
Du 4 janvier au 3 février 2013. Du mardi au samedi à 20h30 ; le dimanche à 16h. Tél. : 01 43 74 99 61