Une danse de l’écoute et du regard, entretien avec Rita Cioffi
Entretien
Publié le 7 août 2020 - N° 286Interprète de Dominique Bagouet puis chorégraphe et pédagogue, Rita Cioffi arrive au Ballet du Nord en tant qu’artiste associée.
Pouvez-vous nous parler des liens qui vous unissent au Ballet du Nord ?
Rita Cioffi : Sylvain et moi nous connaissons bien et depuis longtemps. Nous avons la même philosophie, la même envie de faire de la danse un instrument de partage. Lorsque j’ai postulé pour une résidence au Ballet du Nord, il s’est enthousiasmé pour mon projet et m’a proposé d’y être artiste associée. Je vais à la fois y développer mon travail chorégraphique et être un relai, une artiste qui intervient dans le territoire.
« J’aime travailler avec les amateurs car ils arrivent toujours à me surprendre. »
En quoi, justement, votre pratique va-t-elle s’ancrer dans le territoire ?
R.C. : À Montpellier, où est implantée ma compagnie, j’ai développé et conduit pendant six ans tout un programme avec le CCN ICI et le SPIP, qui est le Service Pénitentiaire de Probation et d’Insertion. J’ai également mené de nombreux ateliers pour une association qui vient en aide aux personnes en grande détresse sociale. Ces expériences étaient humainement d’une richesse extraordinaire. Pour le Ballet du Nord, nous avons imaginé différents projets que nous allons concrétiser dans les trois années à venir, notamment avec le territoire minier et le milieu carcéral. Quand Sylvain m’a parlé du terril par exemple, de ces montagnes de charbon noir, cela m’a donné envie d’y remonter avec des amateurs une de mes pièces qui s’intitule Led’s play, dans laquelle les danseurs s’éclairent avec des leds. Cela permettrait d’inscrire les gens dans un vrai parcours chorégraphique en retravaillant une pièce de répertoire, tout en profitant de leur créativité pour réinventer quelque chose qui soit juste dans notre collaboration. J’aime travailler avec les amateurs car ils arrivent toujours à me surprendre, ils ouvrent d’autres possibles. Sylvain et moi avons le même désir que la danse ne vive pas à l’intérieur d’un temple pour n’en sortir qu’au moment du spectacle. J’espère installer avec le territoire de Roubaix une relation dynamique, dans laquelle il y aura un véritable échange.
Pouvez-vous également nous parler de votre prochaine pièce, La Sympathie ?
R.C. : La Sympathie est un duo que je crée et interprète avec le comédien Sébastien Lenthéric. Comme son titre l’indique, il s’agit de comprendre ce sentiment qui naît entre deux personnes. Bien qu’on les confonde souvent, la sympathie est différente de l’empathie. Deleuze dit que la sympathie n’est pas se mettre à la place de l’autre mais être en face de lui et construire quelque chose à deux, dans l’écoute. Quant à D.H. Lawrence, il voit dans cette relation une grande liberté et la possibilité de vraiment comprendre autrui. À partir de nos lectures et d’œuvres d’art qui nous ont touchés, nous avons construit notre spectacle selon différents axes. Nous avons travaillé notamment sur les sensations que provoquent dans notre corps cet élan et sur le regard. Que se passe-t-il lorsqu’on est yeux dans les yeux et que l’on est envahi par cette vague sincère et amicale ? Qu’est-ce que regarder, se laisser regarder ?
Propos recueillis par Delphine Baffour
A propos de l'événement
Une danse de l’écoute et du regard, entretien avec Rita CioffiLe Ballet du Nord - CCN
situé au Colisée - Théâtre de Roubaix, 33 rue de l’Epeule, 59100 Roubaix.
Tél : 03 20 24 66 66. www.balletdunord.fr