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Focus -286-Le Ballet du Nord

CCN et vous ! ou l’art du détour par l’autre, rencontre avec Sylvain Groud

CCN et vous ! ou l’art du détour par l’autre, rencontre avec Sylvain Groud - Critique sortie Danse Roubaix Le Ballet du Nord - CCN
Sylvain Groud Crédit : Loïc Seron

Entretien

Publié le 7 août 2020 - N° 286

Directeur du Ballet du Nord depuis 2018, Sylvain Groud œuvre pour que l’art chorégraphique puisse rencontrer le plus grand nombre.

Dès son arrivée à la tête du Ballet du Nord, Sylvain Groud a inventé une nouvelle philosophie pour le CCN et instauré une nouvelle forme de démocratie culturelle liée au travail de médiation sur les territoires.

Pourquoi avoir postulé à la direction du Ballet du Nord ?

Sylvain Groud : Quand j’ai postulé la seule chose qui m’excitait c’était Roubaix, ce territoire véhiculant des clichés de paupérisation, de déshérence. Je n’en voulais pas d’autre. Pour moi, diriger un CCN c’était pouvoir délivrer sa substance dans un espace aussi difficile et complexe que cette ville, cet environnement, car il venait rassembler toutes les questions de la danse dans la cité. Quand à mon grand étonnement j’ai été sélectionné, j’ai ressenti une grande émotion. Avec ce que j’avais produit, conscientisé et mis en pratique avec mes différentes associations d’artistes depuis 2010, en termes de médiation culturelle, c’était comme une évidence qui se confirmait.

Quelle est votre vision du Ballet du Nord ?

S.G. : Au départ, j’ai beaucoup réfléchi à ce que pouvait être un « Ballet du Nord ». J’ai connu le ballet en tant qu’interprète du Ballet Preljocaj et j’ai été artiste invité au Ballet de l’Opéra de Paris. Dans notre CCN, il n’y a pas de danseur permanent. Le Ballet du Nord est un label depuis plus de 30 ans, c’est une marque et un marqueur territorial. Il est adossé à un site, celui du Colisée – Théâtre de Roubaix avec lequel il partage l’accueil du public et qui recèle deux studios, le « Grand Studio » et le « Carré ». Je m’emploie à ce que chacune ou chacun ait envie de franchir la porte du théâtre. En tant que Centre Chorégraphique National Roubaix – Hauts-de-France, le Ballet affirme une mission de service public. J’utilise pour la définir le terme CCN et Vous !, qui désigne le programme dans lequel on baigne quand on va au Ballet du Nord. Soit une histoire de rencontres invitant à s’impliquer, à échanger, à découvrir, à entrer dans la danse.

« Nous mettons en place des aventures humaines et artistiques à travers toutes sortes de dispositifs. »

Sous ce terme, vous mettez la danse au cœur de la cité et les habitants au centre de votre activité. Comment réussir ce pari ?

S.G. : S’il n’y avait qu’une phrase à retenir ce serait celle de la Déclaration de Fribourg sur les droits culturels qui pose de « choisir et de voir respecter son identité culturelle dans la diversité de ses modes d’expression ». Pour moi, il s’agit de passer de la démocratisation culturelle à la démocratie culturelle, c’est-à-dire de la culture pour tous à la culture avec tous. C’est pourquoi mon processus de création se doit de faire un détour par l’autre. Entre le public qui vient au Colisée et le public qui vient au CCN, divers mondes se côtoient. Or ce qui m’anime est de rendre universel l’accès à la culture sans qu’aucune catégorie de public ne soit oubliée.

Comment faites-vous tomber les barrières entre la culture et les cultures ?

S.G. : Nous multiplions les initiatives pour aller à la rencontre de chacun, pour permettre une participation active des habitants. Nous mettons en place des aventures humaines et artistiques à travers toutes sortes de dispositifs, par lesquels la danse investit le quotidien afin que chacun puisse être producteur de gestes, partie prenante du travail de recherche et responsable de ce qu’il génère. Que chacun puisse offrir sa richesse à un créateur pour avoir cette fierté de se dire « j’y suis pour quelque chose, je l’ai nourri de mon vocabulaire, de mon histoire ». Ces expériences magnifient la question de la diversité, de la différence, et l’artiste en ressort galvanisé.

Pourquoi avez-vous imaginé les Bals chorégraphiques ?

S.G. : Au départ, j’avais imaginé une forme esthétique en forme de CCN mobile, soit un grand container déposable partout qui contiendrait un spectacle, mais c’était un outil trop onéreux. J’ai donc déployé les bals chorégraphiques. La DRAC a suivi en nous donnant des moyens supplémentaires pour aller vers des gens qui n’ont pas accès à la culture de par la géographie ou l’origine sociale. J’en suis heureux parce que l’argent public a été mis à l’endroit du terrain. Les bals chorégraphiques sont l’occasion d’un formidable échange entre amateurs et professionnels. Pour Danses du bassin minier, nous avons rencontré des Maghrébins, des Polonais, des Siciliens : ils nous ont appris leurs danses et nous leur avons transmis les nôtres. Tout a fini en un Grand bal du Patrimoine au Louvre Lens, lieu de l’élite par excellence que chacun a pu investir et s’approprier.

Propos recueillis par Agnès Izrine

A propos de l'événement

CCN et vous ! ou l’art du détour par l’autre, rencontre avec Sylvain Groud
Le Ballet du Nord - CCN
situé au Colisée - Théâtre de Roubaix, 33 rue de l’Epeule, 59100 Roubaix.

Tél : 03 20 24 66 66. www.balletdunord.fr

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