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Une création contemporaine ancrée dans le réel

Une création contemporaine ancrée dans le réel - Critique sortie Classique / Opéra
Photo : Chantal Depagne/Palazon Le Chant quotidien, un cycle de mélodies d’Alexandros Markeas, dans la mise en scène de Mireille Larroche.

Publié le 10 mars 2008

Mireille Larroche a su faire de la Péniche Opéra un « terrain à surprises, terrain à découvertes ». Désormais à flot dans le bassin de la Villette, la Péniche est plus que jamais un haut lieu de l’expérience lyrique contemporaine.

Dès les origines (la création d’Utopolis de Claude Prey en 1981), il flotte sur la Péniche un air de modernité. Non contents, en effet, de faire revivre les pages oubliées de la tradition lyrique, souvent française, souvent légère, Mireille Larroche et son équipe n’ont eu de cesse, depuis vingt-cinq ans, de militer pour leur donner une suite vivante et actuelle, qui « dédramatise le rapport de la musique d’aujourd’hui avec le public ». Militer, c’est, en l’occurrence, passer commande. Mireille Larroche suscite ainsi de nouvelles œuvres, dans un triple but : « découvrir de nouveaux talents, pérenniser des talents confirmés et leur permettre de prendre de nouveaux risques et de se remettre en question ». L’ambition est aussi de redonner à l’opéra contemporain le cœur ou l’estomac qui lui manquent trop souvent en « mettant la dramaturgie musicale au cœur de sa problématique ». Tiré d’un petit livre de Yasushi Inoue, Le Fusil de chasse, créé en 1999, est une exemplaire réussite, qui repose autant sur le génie musical de Michèle Reverdy que sur un livret finement ciselé par la compositrice elle-même associée à Mireille Larroche. L’esprit des lieux résidant aussi dans leur exiguïté, la Péniche Opéra prend le parti des petites formes. Le « Printemps de la mélodie » ou les « Lundis de la contemporaine » sont une autre façon de rapprocher textes et musiques d’aujourd’hui – avec parfois de remarquables réussites, comme le cycle de mélodies composé par Suzanne Giraud en 2003. Ils permettent aussi, comme le souligne Mireille Larroche de « repérer des compositeurs ou de leur poser des questions précises en articulation avec le répertoire, sur une thématique particulière ». En la matière, la saison 1997-1998 avait déjà marqué un tournant : pour fêter ses quinze années d’existence, la scène devint un « cabaret contemporain ». Initiative remarquée à l’époque, cette intrépide production a fait date. Et cela notamment parce qu’à la question implicitement posée (« le compositeur d’aujourd’hui a-t-il quelque chose à dire, en musique, sur son époque ? »), trente compositeurs ont répondu. Parmi eux, on remarque bien sûr quelques pointures du théâtre musical, tel Georges Aperghis, mais c’est surtout la diversité des générations, des tendances et des styles qui impressionne : de Philippe Leroux, héritier direct de l’école spectrale, à Charles Chaynes, de Gérard Pesson à Antoine Duhamel, de Jacques Rebotier à Jean-François Zygel, de Philippe Hersant à Patrick Burgan…

L’esprit Péniche : mélange d’érudition et de drôlerie
 
Ce rendez-vous des petites formes permet de mettre le pied de jeunes compositeurs à l’étrier de la création lyrique. L’une des « chansons » les plus marquantes de ce « cabaret contemporain » sera ainsi La Chasse à courre selon Serge Dassault, que l’actualité inspira à Vincent Bouchot. Le jeune chanteur de l’Ensemble Clément Janequin débute alors une belle carrière de compositeur lyrique. Il confiera par la suite à la Péniche Opéra la création de son opérette La Belle Lurette (1999) puis de son opéra Ubu à l’Opéra Comique où Françoise Pollet donne la réplique à Jean-Philippe Courtis. Vincent Bouchot y manifeste « l’esprit Péniche », friand de pastiches, mélange d’érudition et de drôlerie. Mireille Larroche, qui signe la mise en scène, déclare alors : « Vincent Bouchot ose des timbres improbables sur des mots incongrus, des rythmes savants sur des textes provocants, des mélodies suaves sur des dialogues humoristiques ». L’opus suivant, de nouveau servi sur la Péniche, renoue avec le principe de la petite forme : les Cantates de bistrot (2005), dont le livret est emprunté aux Brèves de comptoir de Jean-Marie Gourio, sont l’occasion pour Vincent Bouchot de débiter des aphorismes musicaux. Il évite cependant l’écueil de la juxtaposition d’exercices de style : autour du zinc se trame vraiment le tableau dramatique des existences quotidiennes. Il y a, là encore, une persistance de l’esprit des lieux : la Péniche Opéra se veut ancrée dans le réel, avec ses émerveillements et ses amertumes. Une ligne relie ainsi les cantates avinées de Vincent Bouchot et le cycle de mélodies scéniques Le Chant quotidien d’Alexandros Markeas, créé en 2007.


Jean-Guillaume Lebrun


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