La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -287-Le Théâtre de Sartrouville et des Yvelines

Un jour, je reviendrai, texte composé de L’Apprentissage suivi du Voyage à La Haye de Jean-Luc Lagarce, mise en scène de Sylvain Maurice

Un jour, je reviendrai, texte composé de L’Apprentissage suivi du Voyage à La Haye de Jean-Luc Lagarce, mise en scène de Sylvain Maurice - Critique sortie Théâtre Sartrouville Théâtre de Sartrouville et des Yvelines - Centre Dramatique National.
© Tazzio Paris Sylvain Maurice, metteur en scène de Un jour, je reviendrai

Entretien Sylvain Maurice
Texte composé de L’Apprentissage suivi du Voyage à La Haye de Jean-Luc Lagarce / mise en scène Sylvain Maurice

Publié le 22 septembre 2020 - N° 287

Quatre ans après le succès de Réparer les vivants* d’après le roman de Maylis de Kerangal, Sylvain Maurice ouvre la saison en retrouvant le comédien Vincent Dissez dans un nouveau monologue, qui assemble deux récits autobiographiques de Jean-Luc Lagarce : L’Apprentissage et Le Voyage à La Haye. Une parole urgente, entre apaisement et ironie.

Pourquoi avoir choisi un monologue pour ouvrir la saison ?

Sylvain Maurice : J’aime particulièrement cette forme d’une grande diversité d’écriture, qui permet à l’interprète de mettre en pratique toutes les nuances et toutes les audaces de son art, comme un funambule, au plus près du risque. Après Réparer les vivants, Je suis très heureux de retrouver Vincent Dissez pour créer avec lui ce nouveau monologue, qui se fonde sur deux textes autobiographiques de Jean-Luc Lagarce. L’Apprentissage a répondu à une commande de Roland Fichet d’un « récit de naissance », même s’il s’agit plutôt d’un récit de renaissance, racontant à la première personne le retour à la vie à l’hôpital, suite à un coma. Très différent et davantage inscrit dans une sorte d’urgence de la parole, jamais créé de son vivant, Le Voyage à La Haye est une réécriture très travaillée de son journal intime, évoquant la tournée d’un spectacle aux Pays-Bas, qu’il pressent être un ultime voyage alors que la maladie le fragilise. Il y revient sur des moments intimes et des amours passées, y dévoile aussi quelques détails de la vie de troupe ou de la comédie sociale. Extraite de L’Apprentissage, la phrase que j’ai choisie comme titre du spectacle affirme l’idée apaisante et joyeuse d’une sorte de pied de nez à la mort, grâce au comédien qui s’avance sur scène. Comme un funambule sur une corde raide, ou comme le fantôme de l’écrivain qui pour nous s’extirperait du néant.

Jean-Luc Lagarce se savait condamné par le sida au moment de l’écriture…  

S.M. : Alors que le monde médical a envahi sa vie et que la mort se rapproche, il est frappant de constater à quel point l’écriture très concrète, très précise, se construit au présent, à quel point aussi elle déploie un humour incisif, une ironie féroce. Jean-Luc Lagarce sait qu’il ne pourra plus exercer son activité de metteur en scène, et décide de se concentrer sur ses textes autobiographiques qu’il façonne comme des objets artistiques. Sa vie et son œuvre sont étroitement mêlées. Il a conscience qu’il va mourir et travaille jusqu’au bout, afin de laisser une œuvre derrière lui. Comme le repentir en peinture, il retravaille la langue encore et encore jusqu’à obtenir la formulation la plus exacte possible pour décrire la vérité de ce qu’il vit et ressent, sans aucune idée toute faite, sans aucun conformisme. Cette manière de faire avec certains allers-retours, insistances et répétitions crée un effet d’oralité. C’est une langue qui fait théâtre.

© Elisabeth Carecchio
Vincent Dissez, interprète de Un jour, je reviendrai

« Je conçois la pièce comme un tour d’adieu, comme une sorte de célébration pleine de vitalité. »

En quoi la partition vous touche-t-elle ?

S.M. : Cette pensée qui s’écrit au présent est particulièrement émouvante, et souvent drôle et percutante. Comme l’est la tension entre son besoin des autres et son besoin de solitude. Comme le sont aussi les relations faites de conflits, d’affects et de tendresse dans sa famille de théâtre. Sa langue évoque des thèmes universels – le désir, l’amour, le théâtre,  la maladie, la mort – avec une très grande singularité, en préservant une forme de pudeur traversée d’aveux soudains. Vincent Dissez, qui a notamment été l’un des très beaux interprètes de la pièce Le Pays lointain (2018) dans la mise en scène de Clément Hervieu-Léger, se sent lui aussi très proche de l’univers de Jean-Luc Lagarce. La partition vertigineuse le bouleverse. Dans un dispositif épuré semblable à une boîte noire de la mémoire, je conçois la pièce comme un tour d’adieu, comme une sorte de célébration pleine de vitalité. D’une certaine manière, cette écriture qui célèbre le théâtre sauve son auteur de la disparition, et elle maintient debout.

 

Propos recueillis par Agnès Santi

 

*Lire notre critique La Terrasse n°255

A propos de l'événement

Un jour, je reviendrai, texte composé de L’Apprentissage suivi du Voyage à La Haye de Jean-Luc Lagarce, mise en scène de Sylvain Maurice
du jeudi 1 octobre 2020 au vendredi 23 octobre 2020
Théâtre de Sartrouville et des Yvelines - Centre Dramatique National.
Place Jacques Brel, 78505 Sartrouville.

mercredi et vendredi à 20h30, jeudi à 19h30, samedi à 17h, relâche dimanche, lundi et mardi. Durée : 1h15.

Tél : 01 30 86 77 79.

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