Surnatural, un cœur et un son gros comme ça !

Ils ont été comparés aussi bien aux meilleurs ensembles de Carla Bley qu’au Centipède de Keith Tippett. On pourrait tout autant y trouver des échos du zapping sonore cher à John Zorn que des élans transgressifs cultivés par Frank Zappa. Somme toute, Surnatural a affiné une marque de fabrique, une identité sonore en constante reformulation. Il y est autant question des échappées belles du jazz libre que des ritournelles des bals populaires, des ouvertures vers le monde des musiques que de passages empruntés à l’opéra. C’est tout l’enjeu de cette drôle de bande qui fonctionne tel un creuset générationnel. En lister les membres qui furent de cette aventure revient à inventorier nombre de ceux qui comptent dans le paysage sonore d’un hexagone aux dimensions délirantes. Et pourtant, malgré les changements de casting, il demeure un son, identifiable dès les premières mesures. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter Tall Man Was Here, dernier objet discographique du collectif. Le secret de cette alchimie collaborative ? La somme des différences qui la composent et le désir d’une liberté source de créativité à l’image du soundpainting. « Dans l’idée, n’importe qui à n’importe quel moment peut, à travers ce langage, se lancer sur une réinterprétation d’une composition existante, sur un changement de morceau ou sur une pièce d’improvisation dirigée. Chaque concert maintient, de cette manière, une dose d’imprévu. » C’est peut-être à cet endroit, face à l’inconnu, prompt à sortir du cadre bien défini, que commence la musique.

Jacques Denis