Pavillon « Régions et pays » : Gut City Punch

« Le projet que nous avons conçu pour la Quadriennale de Prague fait suite à Outremonde, une trilogie sur laquelle nous avons tous les deux travaillé durant trois ans. Il s’agissait d’une épopée qui faisait du sable un personnage. Aujourd’hui, nous continuons avec ce matériau pour créer une œuvre scénographique, mais aussi une sculpture. Gut City Punch correspond à un imaginaire de production un peu particulier, puisqu’il consiste à emprunter une trentaine de tonnes de sable à quelques kilomètres des anciens abattoirs de la ville de Prague, où sera installé le pavillon français, à compacter cette matière, à la sculpter (ndlr, cette sculpture sera réalisée par Enguerrand David, Jiří Kašpar et Jeroen Advocaat) et ensuite, une fois la Quadriennale achevée, à restituer ce sable en le rapportant là où on l’a pris, pour qu’il puisse être réutilisé. Notre projet tente ainsi de formuler une hypothèse esthétique viable et durable, dans une tension entre un geste maximaliste au niveau de son impact visuel et un geste minimaliste au niveau de son impact écologique.

Construire la déconstruction

Gut City Punch prend place dans un espace assez ingrat, qui pourrait être une salle de collectivité totalement vide. Notre geste a consisté à remplir intégralement cet espace de sable pour offrir au public le spectacle d’une ville éventrée par l’urbanisation, comme si un trottoir s’était effondré, mettant à nu toutes les canalisations, tous les viscères de cette cité. Le public se retrouve donc sous la surface du sol, en prise avec tout ce qui rend nos vies quotidiennes performantes. Le sable est une matière complètement insaisissable, mais en même temps c’est la matière avec laquelle nous construisons nos villes. C’est avec le sable que l’on érige ce qu’il y a de plus solide dans nos existences. Ce qui nous a intéressés, dans ce projet pensé pour la Quadriennale, c’est de construire la déconstruction. Gut City Punch parle d’un endroit de métamorphose urbaine, comme si la matière se racontait elle-même, comme si elle faisait le récit de sa propre histoire, dans la ville, à travers une image prophétique, à travers le mirage d’un modèle devenu malade et obsolète… »

Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat