La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Entretien

Patrick Foll présente une saison voyageuse, ouverte sur la région et sur le monde

Patrick Foll présente une saison voyageuse, ouverte sur la région et sur le monde - Critique sortie  Caen Théâtre de Caen.
Patrick Foll, directeur du théâtre de Caen C : Philippe Delval

ENTRETIEN / PATRICK FOLL

Publié le 24 septembre 2023 - N° 314

Patrick Foll présente les grandes lignes d’une saison qui poursuit une exploration des hybridations au cœur du projet artistique du théâtre de Caen et son ancrage à l’échelle à la fois régionale et européenne – et même au-delà.

Quel sens revêt l’ouverture avec David et Jonathas ?

Patrick Foll : Le projet est né dans le cadre de la résidence de l’ensemble Correspondances qui a débuté en 2016 et de notre cheminement autour des formes opératiques non conventionnelles. David et Jonathas était destiné à s’insérer dans une pièce de théâtre, Saül, écrite par un père jésuite du Collège Louis le Grand, aujourd’hui perdue. Mais ce qui nous intéresse aussi, c’est sa dimension d’objet de médiation. Pour les Jésuites, le spectacle n’est pas seulement un divertissement mais également une sensibilisation à la puissance du chant et du théâtre, avec une pratique artistique qui fait partie d’une éducation portée par une idée d’universalisme. L’art est vu comme un moyen d’édification d’un adulte libre. Contrairement au spectacle d’Andreas Homoki à Aix en 2012 qui prenait le parti d’une continuité lyrique artificielle par rapport aux intentions de Charpentier, nous proposons une version qui reconstitue la présence du théâtre. Jean Bellorini a choisi de l’évoquer au travers d’un monologue d’une quarantaine de minutes confié à une comédienne. Le texte écrit par Wilfried N’Sondé recentre le drame autour de la figure de Saül, de la folie du pouvoir et de la guerre, et réactualise le message politique de l’œuvre. Avec cette proposition novatrice, on retrouve le geste esthétique initial du spectacle d’origine. En retrouvant les partenaires du Ballet royal de la nuit, cette production affirme l’intégration du théâtre de Caen dans le réseau français et européen qui soutient les ensembles spécialisés indépendants.

« Un théâtre se doit d’être un porte-étendard au niveau national et international, mais aussi de s’impliquer clairement dans l’accompagnement territorial. »

En quoi la création O Future, en fin de saison, fait-elle écho à David et Jonathas ?

P.F. : Comme à son époque l’opéra de Charpentier, O Future est une production scénique de fin d’année scolaire. Cette création est conçue pour La Maîtrise portée depuis 36 ans à la fois par le Conservatoire & Orchestre de Caen, l’Éducation Nationale et le théâtre de Caen. Elle s’inscrit dans un cycle de commandes d’œuvres pour voix d’enfants par des compositeurs d’aujourd’hui, portée par le théâtre de Caen. Il y a eu Du Chœur à l’ouvrage de Benjamin Dupé, J’entends des voix de David Lescot, sur des chansons traditionnelles normandes réécrites par Damien Lehman. En passant commande à Thierry Pécou, nous mettons en avant un compositeur reconnu qui réside en Normandie – et maintenant à Caen. Projet commun de notre Maîtrise avec le San Francisco Girls Chorus, O Future interroge la relation de l’homme à la Nature et donne la parole à une génération qui va être directement concernée par le changement climatique. C’est aussi l’occasion de concrétiser un désir de travailler avec Bernard Kudlak, le cofondateur du Cirque Plume, qui fut précurseur dans la pensée d’une vie en harmonie avec la nature. Thierry Pécou, qui est habité par les cultures amérindiennes, se montre sensible à cette dimension. Dans un beau symbole de transmission, Alice Kudlak, la fille de Bernard, écrit le livret bilingue. Le spectacle sera créé en juin, en miroir des commémorations des 80 ans du Débarquement, et sera ensuite repris à San Francisco en octobre. Ce sera la première fois que La Maîtrise ira sur la côte Ouest des États-Unis.

Comment cet ancrage territorial s’affirme-t-il tout au long de la saison ?

P.F. : Un théâtre se doit d’être un porte-étendard au niveau national et international, mais aussi de s’impliquer clairement dans l’accompagnement territorial. Le théâtre de Caen accompagne plusieurs compagnies basées en Normandie la saison prochaine, dont Les Musiciens de Saint-Julien, avec Sweet Bird, et Le Poème Harmonique, dans une nouvelle version du Carnaval baroque. La nouvelle production de L’Histoire du soldat par Benjamin Lazar est conçue avec notre partenaire l’Orchestre Régional de Normandie. Ce soutien s’inscrit autour d’objets scéniques hybrides : On achève bien les chevaux de Clément Hervieu-Léger associe huit comédiens de sa Compagnie des Petits Champs basée à Bernay avec trente-deux danseurs du Ballet de l’Opéra national du Rhin pour imaginer une réinvention à la française du Tanztheater ; On m’a trouvée grandie de Valentine Losseau, nouvelle production de la compagnie 14:20, sera programmée dans le cadre du Festival Spring des nouvelles formes de cirque en Normandie.

Quel impact la crise économique a-t-elle sur l’inscription du théâtre de Caen sur la scène nationale et européenne ?

P.F : Notre ouverture internationale et notre ancrage sur le territoire normand sont complémentaires. Pour Orphée et Eurydice, nous avons invité le Collegium 1704, qui était venu en 2022 pour Alcina. La situation actuelle nous oblige à travailler encore plus en collectif, si l’on veut défendre les projets qui impliquent des ensembles spécialisés indépendants. Sans Versailles et Luxembourg, la reprise du spectacle d’Aurélien Bory n’aurait pas été possible.  Comme pour Falstaff, c’est une preuve que seul on ne peut pas y arriver. L’union fait la force.

Propos recueillis par Gilles Charlassier

A propos de l'événement

Théâtre de Caen.
135 Bd Maréchal Leclerc, 14000 Caen.

Tél : 02 31 30 48 00.

theatre.caen.fr

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