« O Future » de Thierry Pécou, création lyrique sur l’urgence écologique

Quand, après les adieux du Cirque Plume escamotés à cause du covid, Patrick Foll l’a contacté pour un projet d’opéra avec voix d’enfants, Bernard Kudlak a « d’emblée pensé le faire sur le changement climatique, dans une mise en perspective avec les mythologies, et une appropriation de la situation au travers d’une langue poétique. » Sa fille, Alice, a écrit le livret bilingue inspiré par le poème persan La Conférence des Oiseaux et signe avec lui la mise en scène. « Réunis pour une assemblée extraordinaire, les enfants reprennent l’histoire du guerrier San, la version zoroastre du déluge et la légende du serpent à plumes. Entre chacune des trois paraboles s’intercalent les chants et des numéros circassiens. Pour débattre et construire leur avenir dans un environnement qui se dégrade rapidement, ils n’ont que leurs voix et leur imaginaire : le recours à la fiction permet une formulation plus émotionnelle, moins abstraite, des problèmes, et le dépassement du sentiment d’impuissance d’une génération aux prises avec les défis écologiques. Non réductible par la technologie, le geste d’élaborer un récit dans l’enceinte d’un théâtre fait émerger des solutions. »

Une musique qui s’incarne dans le corps

Dans sa partition, Thierry Pécou confie « essayer de retrouver la pulsation des musiques traditionnelles qui nous rattachent à la terre et à la vibration du chant. Les diverses allusions à des procédés d’écriture issus du gamelan, du flamenco ou de modes pentatoniques, façonnent une polyphonie qui est aussi polyrythmique : la musique ne vient pas que de l’intellect, elle s’incarne dans le corps. Dans cette pièce hybride, conçue comme un opéra comique, avec son alternance dynamique de texte parlé et chanté, il y a des unités musico-corporelles qui favorisent la mémorisation. Plutôt que des citations explicites, ce tissu référentiel s’affirme de manière plus subliminale et est intégré dans une unité globale. Dans l’opposition entre les deux blocs, français et anglais, qui dialoguent en double choeur, se détachent des rôles solistes et des petits groupes. Mais par-delà la séparation des deux langues, il y a aussi des moments où elles se superposent : l’essentiel est la conscience d’une couleur différente pour chacune. »

Gilles Charlassier