La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -269-Le Liberté et Châteauvallon

Développer la rencontre avec l’art

Développer la rencontre avec l’art - Critique sortie Théâtre Toulon Le Liberté - scène nationale de Toulon - Grand Hôtel.
Pascale Boeglin-Rodier et Charles Berling Crédit : Vincent Bérenger

Entretien
Pascale Boeglin-Rodier et Charles Berling

Publié le 8 août 2018 - N° 269

Pascale Boeglin-Rodier et Charles Berling codirigent Le Liberté depuis sept ans. Depuis le printemps dernier, ils sont également à la tête de Châteauvallon.

« Nous faisons tout pour permettre les échanges. » (Pascale Boeglin-Rodier)

« L’argent public doit être mis au service du public. » (Charles Berling )

Comment va s’organiser le rapprochement entre le Liberté et Châteauvallon ?

Pascale Boeglin-Rodier : Nous sommes arrivés à la direction du Liberté en 2010 ; notre première saison date de 2011-2012. Ce théâtre a connu un développement incroyable et son équipe est désormais solide, autonome et responsable. Nous nous serions sentis plus fragiles si la proposition de diriger Châteauvallon nous avait été faite plus tôt. Si l’Etat et les collectivités nous ont sollicités, c’est d’une part lié au départ assez soudain du directeur de Châteauvallon et de son adjointe, et d’autre part au vu des excellents résultats obtenus au Liberté. Il ne s’agit pas de fondre ces deux lieux en un seul : nous voulons que les deux projets artistiques gardent leur spécificité.

Charles Berling : Châteauvallon est un lieu privilégié qui a une histoire particulière, née d’une utopie culturelle. C’est un lieu abrité dans une pinède à quelques kilomètres de la ville, qui a vocation à être fréquenté et partagé, pas seulement pendant les spectacles. Le Liberté est au centre-ville, les deux sites se complètent donc parfaitement. Nous prenons notre temps pour réfléchir et convaincre, mais l’idéal vers lequel nous tendons est de gagner en marge de manœuvre, en faisant en sorte que le fonctionnement soit plus efficient pour les résidences, les coproductions et les productions.

P. B.-R. : Les économies d’échelle, le renforcement des liens entre les deux maisons, voire une formule d’abonnement ou d’adhésion commune que l’on lancera la saison prochaine, n’imposent pas pour autant de fondre les deux projets en un seul. Nos premières réflexions nous conduisent à éviter de penser la programmation selon le partage des disciplines. Il est évidemment hors de question de supprimer la danse à Châteauvallon mais plutôt de favoriser l’interdisciplinarité et d’installer d’une ruche de rencontres et de création. Ce site, qui compte un amphithéâtre d’été, une salle couverte, des logements pour les artistes et huit hectares de pinède n’est pas assez mis en valeur et occupé.

Quel bilan de vos premières années de direction ?

P. B.-R. : Avant le Liberté, il n’y avait pas de théâtre à Toulon même, excepté Châteauvallon plus loin dans l’agglomération. En sept ans, la population s’est vraiment approprié ce théâtre. Nous refusons de nous poser en donneurs de leçons culturelles et élitistes. Nous sommes évidemment très exigeants sur la programmation mais nous faisons tout pour permettre les échanges, grâce notamment aux tables rondes, aux rencontres.

C. B. : Nous cherchons à ne jamais fermer les portes à une discussion véritable, au contraire des temples de la bonne pensée, que j’ai trop connus. Si on écarte certains de la discussion, on peut évidemment rester entre soi et être tous d’accord. Mais quel intérêt ? Le grand travail de nos institutions est de reconnecter les gens. Il faut aller chercher ceux qui pensent que ce que nous proposons n’est pas pour eux. C’est aussi pour cela que nous rechignons de plus en plus à l’appeler le « Théâtre Liberté » auquel nous préférons « Le Liberté ». Pour ma part, je me fiche des étiquettes. J’essaie de comprendre comment on peut multiplier les liens pour que le public s’approche des artistes sans avoir peur. L’argent public doit être mis au service du public, et il y a des populations qui en sont trop écartées. C’est évidemment très difficile, c’est presque une utopie, mais c’est ce qui nous intéresse.

Pourquoi faire appel au mécénat d’entreprise ?

P. B.-R. : On noue des relations avec les entreprises pour construire des projets artistiques avec elles. Un établissement comme le nôtre est d’abord un service public. Les tarifs doivent être très bas pour être accessibles à tous les publics, ce pourquoi nous avons besoin des subventions publiques. Mais chaque citoyen doit pouvoir participer à l’activité, le monde économique y compris. Les subventions publiques permettent de composer une belle programmation mais nous ne nous arrêtons pas là. En allant chercher des moyens supplémentaires dans le privé, nous développons encore un peu plus l’activité, les actions culturelles et les publics.

C. B. : Nous ne sommes pas seulement des programmateurs. Quand il y a des salles vides, il faut aller chercher les spectateurs dans les entreprises. Le mécénat est un échange de valeurs et pas seulement d’argent : que pouvons-nous apporter aux entreprises, et inversement…

Comment résumeriez-vous vos missions ?

P. B.-R. : Nos missions sont celles d’une scène subventionnée : lever tous les freins d’accès à la culture. En juin, nous programmons des spectacles gratuits à l’extérieur, en ville et en août sur la plage. La programmation se fait au gré de nos envies, de nos fidélités et de nos coups de cœur, avec, comme toujours, un grand éclectisme et des thématiques qui permettent les échanges. La 4e scène numérique et ses plus de deux millions de vues nous permettent aussi de diversifier les publics.

C. B. : Dans le cadre de notre mission de programmation, nous apprenons aussi progressivement à connaître les artistes du territoire pour aider à la diffusion de leur travail. Les résidences permettent de resserrer ces liens. Nous essayons d’être vraiment curieux. Le théâtre souffre trop des dogmes et du formatage de la pensée. Il essaie aujourd’hui de se rattraper et nous essayons d’y participer, par exemple avec cette codirection paritaire, très importante à nos yeux et qui est une réponse à des questions qu’il faut aujourd’hui se poser et que nous interrogerons en fin de saison.

 

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

Le Liberté - scène nationale de Toulon - Grand Hôtel.
place de la Liberté, 83000 Toulon.

Tél. : 04 98 00 56 76. Site : www.theatre-liberte.fr

 

Châteauvallon, scène nationale

795, chemin de Châteauvallon, CS 10 118, 83192 Ollioules.

Tél. : 04 94 22 02 02. Site : www.chateauvallon.com

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