FACE AU SPHINX
Olivier Py dresse le portrait de François Mitterrand et offre au théâtre l’occasion d’un dialogue avec la mort, au sein d’une saison qui ausculte la dimension philosophique de l’humain.
Pourquoi Mitterrand ?
Olivier Py : Cela fait une dizaine d’années que je voulais écrire une pièce sur Mitterrand. C’est une figure qui provoque haine et passion et un objet de transfert pour une génération entière. La pièce a lieu en 94-95, pendant ses deux dernières années. Même si elle parle de politique, c’est une pièce plutôt philosophique, qui interroge les rapports entre le pouvoir et la mort à travers la figure d’un souverain entièrement consacré au comment mourir. Quelle action est possible face à l’oubli de la mort ? Peut-on réussir sa mort ? Que veut dire vivre jusqu’au bout ? Mitterrand n’est pas n’importe quel président. C’est un homme qui meurt mais toute une époque meurt aussi avec lui : avec lui, on voit le pouvoir se retirer ; après lui, il devient plus médiatique qu’idéologique, plus fait de spectacle que de littérature. Il est question de l’espoir de 81, de celui de 89 après la chute du Mur et de ces désillusions que furent le Rwanda et la Bosnie. Mitterrand est lié à un désenchantement : soit on le lui reproche, soit on s’accroche à lui et notre génération se demande encore comment trancher. J’ai lu tout ce que je pouvais lire et j’ai rencontré beaucoup de gens. J’agis en tant que poète mais l’écriture se fait un peu discrète : elle doit trouver un lieu qui ne vexe pas la réalité historique et soit libre.
« Quand on regarde une saison, on voit un état du monde. »
Pourquoi Novarina ?
O. P. : Novarina est un très grand poète français. Ce n’est pas une découverte ! Mais peut-être n’occupe-t-il pas encore la place qu’il mérite. D’où une programmation un peu anthologique afin de faire entendre ses premiers textes, les faire entendre en langue étrangère et montrer l’évolution et la variété de son écriture. Et puis il élabore une création et ça, c’est un événement ! Contrairement à ce qu’on dit souvent, je ne pense pas que son œuvre soit difficile d’accès. Son théâtre est un théâtre poétique, ce qui n’est pas si fréquent, et son œuvre est un poème hautement concerné par la question de l’homme. Novarina est d’abord un humaniste qui utilise le théâtre pour mener de manière fondamentale cette méditation infinie.
A cet égard, on a l’impression d’une signature métaphysique à cette saison.
O. P. : C’est vrai, encore que je crois cette saison plus philosophique que métaphysique. Aucune volonté n’a pourtant prévalu. J’aime croire que quand on regarde une saison, on voit un état du monde. Le théâtre reste un outil empirique, poétique, mais comme il est une éponge, il appelle à lui les énergies et les préoccupations du moment.
Propos recueillis par Catherine Robert
Adagio (Mitterrand, le secret et la mort), texte et mise en scène d’Olivier Py. Du 16 mars au 10 avril 2011. Théâtre de l’Odéon. Trilogie Eschyle (Les Sept contre Thèbes, Les Suppliantes, Les Perses), d’après Eschyle ; mise en scène d’Olivier Py. Du 26 avril au 21 mai 2011. Théâtre de l’Odéon.