Fine lectrice de Corneille, Brigitte Jaques-Wajeman en libère la verve cinglante et les facéties stylistiques et convie le public autour de la table des débats.
Curieuse marqueterie de genres littéraires que Nicomède… Tragédie raillée de traits grotesques, intrigue politique brodée sur les annales de l’Histoire romaine, commerce machiavélique des cœurs tout autant qu’intrépide éloge de la résistance à l’impérialisme et comédie des compromissions diplomatiques : l’œuvre cache bien des fantaisies sous le costume sobre des vers classiques. Valeureux guerrier déjouant complots et pièges, Nicomède échappe en effet à l’effigie du héros tragique : ironique orgueilleux, téméraire insurgé face à l’occupant romain, cet idéal de vertu démasque les ruses et les séductions du pouvoir pour le triomphe de la justice. Plutôt que de dresser l’alexandrin sur l’estrade poussiéreuse d’une démonstration savante, Brigitte Jaques-Wajeman rassemble les spectateurs autour d’une vaste table de banquet, comme pour inviter l’assemblée à ce festin de mots où chaque réplique attaque, esquive et fait mouche. Entre tragédie et bouffonnerie, mensonges et convoitises, passion et raison, ce théâtre de la politique montre que justice et générosité peuvent tout de même l’emporter…
Gwénola David
Nicomède, de Corneille ; mise en scène Brigitte Jaques-Wajeman. Du 9 au 26 octobre 2008. Mardi et mercredi à 19h ; jeudi au samedi à 20h ; dimanche à 15h. Théâtre de la Criée.