La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

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Mirabelle Rousseau

Mirabelle Rousseau - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 mars 2011

Représenter 
la représentation

Le T.O.C. (Théâtre Obsessionnel Compulsif) est constitué d’une dramaturge, d’une metteure en scène, de comédiens, de scénographes et de techniciens son, lumière et vidéo. Ce collectif mouvant travaille le texte comme un matériau au sein d’une représentation conçue comme un processus.

« On a fait de la naïveté et du questionnement 
des valeurs fondamentales. » Mirabelle Rousseau
 
 
Comment le T.O.C. est-il né ?
Mirabelle Rousseau : C’est un collectif né de la rencontre entre quatre filles en section A3 au lycée, en 1999. Nous nous sommes retrouvées autour d’une passion pour le théâtre qui était aussi une haine du théâtre qu’on voyait sur les plateaux et qu’on nous enseignait : un art bourgeois, peu accessible, marqué par l’absence de mixité sociale et de jeunes gens. A l’époque, nous avons fait deux rencontres importantes : celle de l’équipe de Nordey à Nanterre et celle de Sobel, dont faisaient partie certains des artistes intervenant dans notre classe. Puis nous nous sommes inscrites à Paris X et pendant ces longues années de fac, nous avons développé un intérêt pour des formes marginales. Pendant cinq ans, nous avons fait un théâtre de recherche. On a travaillé sur les fous littéraires, Vitrac, Artaud, sur les mémoires du Président Schreber, les textes spirites de Hugo, des textes de Gertrude Stein, et nous avons fait un premier spectacle collectif sur Burroughs et la période où il arrête d’écrire et utilise un magnétophone pour « anéantir le virus mot ». Nous travaillions avec le souci d’une « dramaturgie performative » où nous partagions, entre nous et avec le public, le sens du projet et la lecture du texte, en un spectacle pensé comme processus en cours. Dans notre deuxième spectacle, d’après Robert Guiscard de Kleist, nous avons mis la table dramaturgique et la dramaturge au plateau. Enfin, dans Turandot, le spectacle suivant, je suis arrivée au plateau en tant que metteur en scène.
 
Comment se présente cette forme si particulière où tout est au plateau ?
M. R. : En présentant à la fois le théâtre du texte et le collectif essayant de se mettre à la hauteur du texte. On s’étonnait au début que le metteur en scène et les acteurs soient cachés derrière le spectacle et il nous paraissait important de parler de nous : le fait de reconnaître qui on est, est une des raisons du collectif. Nous voulions montrer la réalité physique de l’existence du groupe et notre position par rapport au matériau sur lequel on travaillait. Il s’agit en fait d’exister politiquement en donnant la parole aux individus auxquels le processus collectif permet de se mettre d’accord ou de déterminer ses désaccords. Chez nous, il y a un metteur en scène mais nous nous mettons d’accord sur les principes de la représentation : une fois d’accord sur les principes, on est tous libres de les appliquer comme on veut.
 
Le collectif se réduit-il à la création ?
M. R. : Economiquement et logistiquement, nous portons ensemble cette structure depuis dix ans et nous sommes tous polyvalents. Nous avons intégré la précarité de nos moyens de production à notre démarche esthétique. Tout le monde est payé sur la même base horaire. Nous sommes tous spécialisés mais le choix artistique que propose chacun peut être interrogé par tout le monde à tout moment. On a fait de la naïveté et du questionnement des valeurs fondamentales, selon une posture un peu brechtienne : la question la plus bête est toujours la bienvenue ! Ce qui nous intéresse aussi c’est le rapport entre la scène et la salle et comment on amène le spectateur à être actif dans le spectacle. Il faut être en collectif pour pouvoir s’adresser à ce collectif qu’est le public.
 
Pourquoi avoir choisi Le Précepteur pour votre nouveau spectacle ?

M. R. : C’est un texte qui parle du conflit des générations. On a agrandi notre collectif de jeunes gens à une génération plus âgée : Frédéric Fachéna, Marc Berman, Valérie Blanchon et Christian Montout. Ce texte aborde deux thèmes : comment grandir et comment et pourquoi renoncer à ses désirs. Vingt-cinq personnages, cinq actes, dix scènes par acte, des changements de décor incessants : comment faire du théâtre avec ce matériau ? Comment représenter l’échec à représenter quelque chose ? Comment trouver des solutions scéniques à notre échelle ? Le collectif du Précepteur est un collectif en conflit. Notre principe de départ est l’opposition entre ceux qui n’ont rien et ceux qui ont tout. Les vieux auront tout le théâtre qu’ils veulent ; les jeunes gens n’auront rien. On aimerait aussi faire s’opposer entre elles les grandes écoles et les codes générationnels du théâtre. Pour que, là encore, la création collective éclaire le texte dans le va-et-vient d’un dialogue.

Propos recueillis par Catherine Robert


Turandot ou le Congrès des blanchisseurs, de Bertolt Brecht (texte français d’Armand Jacob) ; mise en scène de Mirabelle Rousseau. Du 8 au 12 mars. Le Précepteur, de Jacob Lenz ; mise en scène de Mirabelle Rousseau. Du 15 au 19 mars.

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