Matthias Langhoff
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Publié le 10 octobre 2008
Ne laisser dormir personne
Matthias Langhoff se saisit des Chants de Maldoror de Lautréamont et crée une représentation mêlant théâtre et cinéma, histoire intime et histoire mondiale. Une façon de ne pas fermer les yeux sur la réalité sociale qui nous entoure.
Qu’est-ce qui vous a amené à travailler sur Les Chants de Maldoror ?
Matthias Langhoff : Lautréamont a toujours été pour moi un poète très important. Un jour, alors que j’allais à un rendez-vous à la Comédie-Française dans la perspective d’y envisager un spectacle, j’ai été confronté à la présence de sans-abris devant la porte du théâtre. Je n’ai plus été capable de penser à autre chose qu’à Lautréamont. Cette situation-là, en un instant, m’a replongé dans l’univers de cet auteur qui a écrit son œuvre à Paris, qui a porté un regard de protestation sur le monde dans lequel il vivait. Je me suis alors dit qu’il fallait que je travaille sur ce texte-là, que je ne pouvais pas me résoudre à fermer les yeux sur la catastrophe, sur l’injustice quotidienne que représente le sort des sans-abris.
Que représentent les figures de SDF qui reviennent régulièrement dans vos spectacles ?
M. L. : Les SDF représentent une des réalités les plus dures de notre monde, une réalité que je ne peux pas ignorer. Cela va au-delà de la pitié, ce sont des existences qui m’intéressent vraiment. Quand je vois des sans-abris, je me dis toujours : quelle force il y a dans ces existences-là, quelle violence peut nous toucher et quel instinct de survie peuvent en découler !
« Le moment de l’art arrive par hasard. »
Trois personnages — M, F et C — interviennent dans votre adaptation. Qui sont-ils ?
M. L. : M, c’est Maldoror et toutes les possibilités de Maldoror : le meurtrier, le monstre, le mendiant… F, c’est la femme et tout ce qui en découle. Quant à C, c’est la créature et le cancer. Ce sont vraiment des figures multiples qui racontent une vraie histoire, une histoire d’amour et de domination. Ce spectacle montre ainsi comment M est pris en étau, comment M se bat contre la domination de F, mais aussi de C.
Comme souvent, votre mise en scène mêle théâtre et cinéma. Pourquoi ?
M. L. : Le cinéma m’a toujours passionné. Je ne suis pas d’accord avec toutes les théories qui placent le théâtre et le cinéma dos à dos. J’ai toujours essayé d’explorer ces deux formes en même temps. Je suis un metteur en scène bricoleur, artisanal. D’une certaine façon, j’ai peur de l’art et ce n’est pas l’art qui m’intéresse. Car, je crois que le moment de l’art arrive par hasard. Ce qui me plaît, c’est bricoler autour de thèmes qui ne laissent personne dormir, emprunter des chemins de traverse pour regarder la vraie existence qui est, selon moi, à la marge du monde.
Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat
Dieu comme patient – Ainsi parlait Isidore Ducasse, d’après Lautréamont ; montage, mise en scène, décor et film de Matthias Langhoff. Du 6 au 24 octobre 2008, à 20h30 sauf les mercredis et jeudis à 19h30. Théâtre des Cordes.
Dieu comme patient – Ainsi parlait Isidore Ducasse, d’après Lautréamont ; montage, mise en scène, décor et film de Matthias Langhoff. Du 6 au 24 octobre 2008, à 20h30 sauf les mercredis et jeudis à 19h30. Théâtre des Cordes.