La Terrasse

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Lionel Peintre

Lionel Peintre - Critique sortie Classique / Opéra

Publié le 10 septembre 2009

L’art total

Chanteur, instrumentiste, chef d’orchestre et même traducteur… Lionel Peintre est décidément un artiste aux multiples facettes. A la Péniche Opéra, on le retrouve en thuriféraire de Paul Hindemith, dont il dirige deux opéras réunis en un même spectacle, Hin und Zurück (« Aller-retour ») et Das Lange Weinachtsmahl (« Le long dîner de Noël »).

 « Une forme d’absolu musical, où le propos global, le livret, la construction musicale ne font qu’un »
 
Comment avez-vous déniché ces deux opéras de Paul Hindemith tombés dans l’oubli ?
 
Lionel Peintre : Je connaissais depuis de nombreuses années ces deux ouvrages, car, en tant qu’ancien corniste, la musique de Paul Hindemith m’a toujours attiré. Sa connaissance profonde des possibilités instrumentales, sa maîtrise des formes, sa quête permanente d’une musique pour le plus grand nombre, sa volonté de réintroduire les instruments d’époque à une période où personne n’y avait encore songé, tout cela me fascinait. Il y avait un projet avec la Péniche Opéra de monter Sancta Suzanna ou même Mörder, Hoffnung der Frauen, mais la sortie du récent enregistrement de Marek Janowski (Wergo) a permis à chacun de mesurer les qualités de Das Lange Weinachtsmahl et a donc modifié notre choix.
 
Trente-trois années se sont écoulées entre la composition de Hin und Zurück et de Das Lange Weinachtsmahl ? Quelle a été l’évolution du langage de Hindemith ?
 
L.P. : Il était, dans les années 20, très proche de musiciens comme Kurt Weill, ce qui peut se ressentir dans Hin und Zurück, où l’on retrouve un certain expressionnisme sous la forme extrêmement maîtrisée du palindrome. Mais il s’est rapidement détourné esthétiquement de ses amis de jeunesse. Pour lui, me semble-t-il, le message est contenu dans la musique elle-même. La forme et la facture d’une œuvre délivrent ce message, c’est pourquoi l’on ressent au cours des années une élévation de son discours vers les notions de philosophie, de spiritualité au sens très large, qui l’ont fait se rapprocher de Bach. Ses détracteurs pensent que son discours s’est appauvri et desséché, tandis que d’autres (dont je fais partie) pensent que ses dernières œuvres, dont Das Lange Weinachtsmahl, sont l’aboutissement d’une démarche intérieure vers une forme d’absolu musical, où le propos global, le livret, la construction musicale ne font qu’un.
 
Parlez-nous de l’instrumentation de ces deux opéras …
 
L.P. : Les deux instrumentations sont à l’origine très éloignées l’une de l’autre. Neuf instruments (trois claviers et six vents) pour le premier et un orchestre symphonique pour le second. Pour que cette production existe, j’ai proposé de réduire l’orchestration du second ouvrage à l’instrumentation du premier. A la lecture du matériel d’orchestre, il me semblait évident que cela fonctionnerait. J’ai simplement essayé de conserver certaines spécificités, comme la présence d’un harmonium dans Hin und Zurück et d’un clavecin dans Das Lange Weinachtsmahl.
 
Vous avez également réalisé l’adaptation française. Comment avez-vous procédé ?
 
L.P. : Je me suis appuyé, pour Das Lange Weinachtsmahl, sur les deux versions, l’original en anglais et la version allemande réalisée par Hindemith lui-même. Pour un chanteur passionné par les mots et la prosodie, c’est un exercice merveilleux que de faire coller le français à cette musique. Quelques adaptations rythmiques ont été nécessaires mais elles existent aussi entre les versions anglaise et allemande. Les jeux de mots ou les expressions sont souvent différentes d’une langue à l’autre, des phrases du quotidien n’ont pas la même valeur, et il faut aussi conserver une certaine fluidité et une évidente vocalité.
 
Quel rapport entretenez-vous avec la Péniche Opéra ?
 
J’ai été conseiller artistique de cette vénérable institution durant de nombreuses années, ce qui a été pour moi extrêmement fructueux tant du point de vue relationnel que musical. C’est un lieu important de création et de répertoire. Je m’en suis éloigné car le parcours d’un musicien doit être sans cesse en mouvement, il faut laisser la place à d’autres, et aller soi-même chercher de nouvelles expériences.
 
Propos recueillis par Antoine Pecqueur


Du 19 au 23 octobre à 20h30.

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