La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -201-ODEON / THEATRE DE L’EUROPE

LES BEAUTES DE LA CULTURE ISLAMIQUE

LES BEAUTES DE LA CULTURE ISLAMIQUE - Critique sortie Théâtre Paris ATELIERS BERTHIER

Berthier 17e / Jeux de cartes 1 : Pique
de la compagnie Ex Machina / mes Robert Lepage

Publié le 7 septembre 2012 - N° 201

Pique, cœur, carreau, trèfle. Le metteur en scène canadien Robert Lepage et les artistes de sa compagnie (Ex machina) créent une suite de quatre spectacles traitant de nos rapports avec le monde musulman. Une tétralogie explorant l’univers des jeux de cartes dont le premier volet – Pique – s’intéresse au thème de la guerre.

“Les quatre histoires de Pique s’entrecroisent les unes les autres, un peu comme
dans un film de Robert Altman.”

Robert Lepage

Comment est née l’idée de cette tétralogie autour des quatre couleurs d’un jeu de cartes ?

Robert Lepage : Elle est née à l’occasion des nombreuses tournées que j’ai effectuées aux Etats-Unis avec la compagnie Ex Machina. Durant ces tournées, nous sommes souvent appelés à animer des ateliers avec des étudiants d’universités. Nous essayons alors de montrer comment nous travaillons à La Caserne (ndlr, centre de création de Robert Lepage et de la compagnie Ex Machina, à Québec), comment notre groupe fonctionne. Pour initier ces ateliers, j’ai pris l’habitude de solliciter l’imaginaire des étudiants autour d’un jeu de cartes. C’est un point de départ extrêmement intéressant, extrêmement riche, qui relie chacun d’entre nous à l’inconscient collectif. Et puis un jour je me suis dit qu’il y avait matière, dans cet univers-là, non seulement à un spectacle, mais à plusieurs…

A travers ces spectacles, à quelles symboliques reliez-vous les quatre couleurs d’un jeu de cartes ?

R. L. : Nous sommes revenus aux symboles originaux de ces quatre couleurs. Le pique, qui a longtemps été associé à l’épée, nous ramène au thème de la guerre : ce sera notre première création. Le cœur, qui s’est aussi appelé la coupe, nous transportera dans l’univers des croyances et de la magie. Quant au carreau, qui est relié aux pièces de monnaie, il nous donnera l’occasion de parler du monde des affaires. Enfin, le trèfle, que l’on a aussi appelé le bâton, nous ouvrira les portes des mondes paysan et ouvrier. Chacune de ces quatre thématiques constituera la matière centrale d’un spectacle, tout en intervenant dans les autres de façon secondaire, de façon périphérique.

Pourquoi avez-vous relié cet univers au monde musulman ?

R. L. : Parce que le jeu de cartes, tel que nous le connaissons aujourd’hui, est une invention du monde arabe. La culture arabo-musulmane a beaucoup influencé la culture européenne et, par voie de conséquence, la culture américaine. Dans une époque qui a tendance à stigmatiser le monde islamique, à l’enfermer dans une image obscure, il m’a paru intéressant de concevoir une suite de spectacles traitant de nos rapports avec la culture musulmane. C’est une manière de nous rapprocher, à travers ces influences, de nos propres origines, d’envisager les éléments venus d’ailleurs qui ont participé à créer notre culture.

Quelle image de la culture musulmane souhaitez-vous dessiner à travers ces spectacles ?

R. L. : L’image d’une culture riche et lumineuse, une culture pleine de beautés. Au Canada, on connaît assez mal le monde arabe. Et cette ignorance s’accompagne souvent, comme c’est le cas en Europe, de préjugés négatifs. Le souvenir des événements du 11 septembre 2001 est évidemment toujours là… A travers ces spectacles, je souhaite éclairer les grandeurs du monde islamique, rappeler les choses qui, au sein même de nos racines, viennent témoigner des liens qui nous unissent à cette grande civilisation.

Revenons au premier volet de cette tétralogie : Pique. Ce spectacle nous transporte au début des années 2000, au moment où les Etats-Unis envahissent l’Irak…

R. L. : C’est ça. Pique met en parallèle deux villes construites dans des déserts : Las Vegas et Bagdad. L’action se passe dans l’un des hôtels-casinos de la capitale du Nevada. On suit quatre histoires. Celle d’un Québécois venu se marier. Celle d’un Britannique et d’une Française totalement sous l’emprise du jeu. Celle d’un Danois, un militaire qui s’entraîne dans un faux village arabe construit dans le désert. Celle du monde souterrain qui gravite à Las Vegas : les croupiers, les femmes de ménage, les immigrés clandestins qui vivent de petits métiers… Ces quatre histoires s’entrecroisent les unes les autres, un peu comme dans un film de Robert Altman. Chacune est traitée de façon spécifique, donnant ainsi naissance à un théâtre différent : psychologique, brechtien…

Qu’est-ce qui vous semble constituer le cœur de votre démarche artistique ?

R. L. : Je crois que c’est de donner naissance à un théâtre rassembleur, un théâtre qui assume pleinement son pouvoir de réconciliation. Je trouve que le théâtre d’aujourd’hui prend souvent trop de distance avec la notion de jeu. A travers mes spectacles, j’essaie de retrouver cet esprit-là.

Propos recueillis par
Manuel Piolat Soleymat

 

 

A propos de l'événement

Jeux de cartes 1 : Pique
du mardi 19 mars 2013 au dimanche 14 avril 2013
ATELIERS BERTHIER
14 bd. Berthier, 75017 Paris

Spectacle en français, anglais et espagnol surtitré. Du 19 mars au 14 avril 2013. Du mardi au samedi 20h, dimanche 15h. Tél : 01 44 85 40 40. www.theatre-odeon.fr
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