Théâtre / Et aussi…
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Focus -214-Automne en Normandie
Découvert en Europe en 2010 avec Château de rêves, le japonais Daisuke Miura présente le subversif Tourbillon de l’amour, où le trop-plein des corps interroge la vacuité existentielle d’une société angoissée.
Automne en Normandie, quelques semaines avant le Festival d’Automne à Paris, présente la première française du Tourbillon de l’amour (Ai no Uzu), du jeune dramaturge et metteur en scène japonais Daisuke Miura. Célèbre pour son esthétique hyperréaliste et la crudité sans voile des fictions qu’il invente, Daisuke Miura signe ici une pièce provocante qui montre tout d’une sexualité devenue marchandise et d’un désir devenu objet de consommation. En reconstituant une nuit d’orgie dans un club privé, Le Tourbillon de l’amour ausculte, avec une précision d’entomologiste et l’inquiétude d’une éthique sans repères, les pratiques sexuelles collectives de huit Tokyoïtes ordinaires, employés sans histoires se livrant à une débauche à la fois ridicule et vaine, pathétique et désopilante. Manquant d’amour mais ne manquant pas d’idées pour renouveler leurs frissons, ces individus demeurent solitaires en leur réunion et en leurs unions changeantes, et aliénés malgré leurs revendications libertaires.
Corps sans âme et sexe sans amour
Enfant terrible de la scène japonaise, Daisuke Miura (né en 1975) fonde la compagnie Potudo-ru en 1996 avec d’autres étudiants de l’université de Waseda, avant que sa pièce Knight’s Club ne le place en 2000 au centre de l’attention et à la croix du scandale. Créé en 2005, Le Tourbillon de l’amour a reçu le prestigieux prix Kishida Kunio, une des plus grandes récompenses qu’un auteur de théâtre puisse recevoir au Japon. Créateur d’un théâtre résolument contemporain et nourri des références et des angoisses de sa génération, Daisuke Miura fait le pari d’un réalisme quasi documentaire qui n’épargne à la vue des spectateurs aucun orifice libidinal et aucune manière d’en jouir. « Derrière l’ordinaire des conversations se joue la comédie amère d’une violence à l’état brut. Le tourbillon décrit aussi une structure dramaturgique en spirale, qui voit les couples disparaître et réapparaître sur scène pour former d’éphémères attachements, creusant les limites du dicible et les failles de la communication. Manège de la séduction, ronde millimétrée reflétant la circulation d’un désir toujours insatisfait mais toujours ravivé. » Refusant de juger, Daisuke Miura montre davantage qu’il ne dénonce, laissant au spectateur le soin d’interroger ses propres postures existentielles face à ce libertinage enchaîné, cette sensualité insensée et cet échangisme où rien ne s’échange.
Catherine Robert
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