Du baroque au contemporain
La programmation musicale d’Automne en [...]
Focus -214-Automne en Normandie
Née en Argentine en 1976, la jeune auteure et metteure en scène Lola Arias signe une « pièce poétique et politique » qui revient sur la dictature d’Augusto Pinochet. Un spectacle performatif plutôt que représentatif, inspiré et transformé par la réalité du monde.
Quelle idée est à l’origine de El año en que nací ?
Lola Arias : El año en que nací vient après un spectacle que j’ai créé en 2009 (Mi vida despuès), au sein duquel un groupe de jeunes gens nés durant la dictature argentine racontaient la vie de leurs parents à l’aide de photos, de documents, de films… A l’occasion d’un atelier effectué à Santiago du Chili, j’ai voulu élaborer une nouvelle pièce sur le même principe. El año en que nací est donc comme une reconstitution d’événements historiques ayant eu lieu au Chili : le jour du coup d’État de Pinochet, le jour de la visite du Pape… Chaque acteur revient sur sa propre histoire familiale : Alexandra reconstruit l’assassinat de sa mère, qui faisait partie de la guérilla, Leopoldo retrace le travail de son père, un policier qui travaillait sous la dictature, Soledad raconte l’exil de ses parents à Mexico… Les acteurs sont comme des doubles de leurs parents, comme des cascadeurs qui se lancent pour défi d’interpréter les scènes les plus dangereuses de leur vie.
Est-ce pour vous une façon de questionner le rapport entre réalité et fiction ?
L. A. : Oui. Ce spectacle est à la fois nourri par des faits réels et par de la fiction. On s’aperçoit d’ailleurs que si la réalité crée de la fiction, en retour, la fiction transforme la réalité. Quand nous avons commencé à jouer la pièce, l’une de nos interprètes, Viviana, ne savait pas qui était son père. Sa mère a toujours inventé toutes sortes d’histoires pour justifier sa disparition, alors qu’elle était encore bébé. Lors de la première répétition publique, Viviana racontait que son père était militaire et qu’elle portait son nom, Hernandez. Elle a alors interpellé le public, donnant son numéro de téléphone afin de pouvoir être contactée si quelqu’un savait quelque chose sur lui. Ce qui est arrivé. Elle a ainsi appris que son père était policier, qu’il était en prison pour avoir tué deux personnes durant la dictature. En un sens, le spectacle l’a mise sur la voie de sa véritable histoire. Mais elle n’a pas encore eu l’occasion de rencontrer son père. Lorsqu’elle le verra, il nous faudra écrire ce nouveau chapitre de son histoire.
Comment pourriez-vous caractériser votre territoire théâtral ?
L. A. : J’aime le théâtre intime, imprévisible, vivant. Un théâtre où les frontières entre réalité et fiction se brouillent, où les acteurs et les spectateurs prennent des risques. Un théâtre qui me donne le sentiment d’être témoin de quelque chose d’unique.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
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