La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -218-Théâtre National de Toulouse Midi~Pyrénées

Entretien Laurent Pelly

Entretien Laurent Pelly - Critique sortie Théâtre Toulouse TNT - Théâtre National de Toulouse
© Robert and Shana ParkeHarrison

de William Shakespeare / mes Laurent Pelly

Publié le 21 février 2014 - N° 218

Le Songe d’une nuit d’été

La saison dernière, Laurent Pelly se plongeait dans la noirceur de Macbeth. Il revient au théâtre de Shakespeare à travers une comédie : Le Songe d’une nuit d’été. Une pièce à tiroirs que le metteur en scène envisage comme « un arbre onirique », entre mystère et sens du concret.

Après Peines d’amour perdues en 1995, Vie et mort du roi Jean en 1998 et Macbeth en 2012, vous créez aujourd’hui Le Songe d’une nuit d’été. Qu’est-ce qui vous lie à l’œuvre de William Shakespeare ?

Laurent Pelly : Je crois tout simplement que Shakespeare est le plus grand ! Je pourrais ne monter que ses pièces. Ses pièces et celles de Victor Hugo. Le théâtre de Shakespeare, c’est le monde, c’est l’infini, c’est plus que du théâtre. Chacune de ses œuvres parle de l’homme, de la nature, de la folie et de la drôlerie de l’humain. Chacune de ses œuvres est un mystère, un immense poème, une réflexion extrêmement profonde sur l’humanité. Ce qui me fascine le plus, c’est qu’il est, sans arrêt, à la fois dans l’immense et dans l’infime, comme la vie.

Comme vous l’avez déclaré, Macbeth et Le Songe d’une nuit d’été sont comme le négatif et le positif d’une même photographie. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette opposition ?

L. P. : Ces deux pièces se font en effet écho de façon inversée. Macbeth nous plonge dans un cauchemar dont les personnages ne peuvent être sauvés. Le Songe, au contraire, est un poème à la gloire de la nature humaine – nature humaine considérée dans toutes ses contradictions. On est dans le plaisir, dans la jubilation. C’est une fête du théâtre, une pièce joyeuse, drôle, érotique, très vivante. Pour dire les choses de façon un peu rapide, Macbeth, c’est la mort, et Le Songe, c’est la vie.

Du point de vue de votre imaginaire, comme êtes-vous passé de l’une à l’autre ?

L. P. : D’abord, il faut dire que pour les deux pièces, j’ai travaillé avec quasiment les mêmes acteurs. Lors des répétitions du Songe, nous avons continuellement fait référence à notre travail sur Macbeth. Alors que dans ce premier spectacle nous développions l’axe de l’absurde et du comique, pour Le Songe, nous avons investi la dimension du mystérieux. Finalement, cette œuvre se révèle beaucoup plus complexe que Macbeth. Dans Le Songe, on ne sait jamais vraiment ce qui est réel et ce qui ne l’est pas.

« Chacune des œuvres de Shakespeare est un mystère, un immense poème, une réflexion extrêmement profonde sur l’humanité. »

Est-ce cette incertitude qui vous intéresse le plus dans cette pièce ?

L. P. : Oui, c’est cette part de mystère. Shakespeare nous entraîne dans Le Songe par le biais d’une « narration onirique ». Pour moi, une grande œuvre doit forcément dépasser la réalité, la transcender, nous permettre de nous évader du réel. Le Songe, qui a été écrit il y a plus de 400 ans, est construit de manière incroyablement moderne : on est sans cesse entre illusion, rêverie et réalité. Je trouve merveilleux, par exemple, de se rendre compte que les personnages des artisans – qui remettent en cause l’identification des spectateurs aux protagonistes de la pièce à travers une mise en abyme théâtrale – inventent par là même l’idée de distanciation. Quand on pense où en est, à la même époque, le théâtre français… !

Quels arbitrages opérez-vous, à travers votre mise en scène, entre la dimension du réel et celle de l’illusion ?

L. P. : Pour moi, Le Songe n’est qu’un rêve, il n’y a pas de réalité. Je prends le parti de considérer que la pièce est le rêve d’un des personnages, Hermia, à qui son père essaie d’imposer comme époux un homme qu’elle n’a pas choisi. Ce rêve donne naissance à d’autres rêves, dans un processus d’imbrication très élaboré. Se déploie ainsi une sorte d’arbre onirique qui repousse la notion de réel vers les seuls spectateurs. Mais est-on vraiment sûr, d’ailleurs, que la représentation de théâtre se situe, elle-même, du côté de la réalité ?

Quel espace scénographique avez-vous imaginé pour donner corps à cet espace onirique ?

L. P. : Un espace ouvert, gigantesque, comme un cosmos lumineux au sein duquel le magique, le surnaturel, occupent une place importante. Mais, j’ai veillé à ne jamais oublier que le rêve doit toujours être construit sur quelque chose de charnel, d’humain, de sanguin. L’enjeu est de ne pas se laisser enfermer dans l’immatériel, d’être concret tout en conservant une grande part de mystère.

 

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Le Songe d’une nuit d’été
du mardi 25 mars 2014 au samedi 19 avril 2014
TNT - Théâtre National de Toulouse
1 Rue Pierre Baudis, 31009 Toulouse, France

Tél : 05 34 45 05 05. Site : www.tnt-cite.com

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