La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -218-Théâtre National de Toulouse Midi~Pyrénées

Entretien James Thierrée

Entretien James Thierrée - Critique sortie Théâtre Toulouse TNT - Théâtre National de Toulouse
© Richard Haughton

Mes, scénographie et chorégraphie James Thierrée

Publié le 21 février 2014 - N° 218

Tabac rouge

Après les acteurs Carlo Brandt et Denis Lavant, James Thierrée reprend lui-même le personnage du monarque au cœur de sa dernière création Tabac rouge, puissamment évocatrice.

« Je choisis toujours la matière scénique avant la narration. »

Quelle est cette démarche qui, de vos premières pièces, vous a conduit à Tabac rouge ?

James Thierrée : Un cheminement se dessine entre La Symphonie du Hanneton, La Veillée des Abysses, Au revoir parapluie, Raoul et Tabac rouge. La mise en scène m’est venue avant tout par l’envie d’être sur scène en tant qu’interprète et d’explorer mon langage. La Symphonie du Hanneton est arrivée comme une proposition brute, simple, à mi-chemin entre mes cordes circassiennes et une tradition plutôt théâtrale du côté de mon père. Je ne me suis jamais réclamé de la mouvance du nouveau cirque, puisque je n’étais pas dans une démarche de renouvellement ou de réflexion vis-à-vis de cet art. Petit à petit, j’ai abandonné l’acrobatie et l’exploit pour me tourner vers un langage de situations, de corps. Depuis La Veillée des Abysses, il n’y a plus aucun numéro dans mes spectacles. Plus de jonglage, de l’acrobatie très détournée, plutôt chorégraphiée, et plus aucun agrès de cirque.

Mais dans ces pièces, une grande importance est donnée à la scénographie, comme un agrès provoquant des histoires avec les corps…

J. T. : C’est la première chose à laquelle je pense : la scénographie, le jouet, l’objet, le cadre, la boîte dans laquelle on va jouer, sur laquelle on va pouvoir s’accrocher… Ensuite, il y a cette idée d’un scénario. J’ai mon idée rêvée, celle d’un espace et d’une aventure, et ensuite je sais que la matière va surgir et se remodeler.

Pour Tabac rouge, les choses continuent-elles d’évoluer après la première ?

J. T. : Oui, car c’est un spectacle qui a amené tellement de premières fois pour moi ! C’est la première fois que je n’étais pas sur scène à la création, que je me confrontais à un groupe assez conséquent avec de nouveaux interprètes, dans un décor plutôt âpre, presque rétif, alors que d’habitude j’étais entouré par des matières chaleureuses, baroques, humaines, ayant un vécu… Ici ce sont des tubes, des miroirs, un tapis de danse, du métal, des objets lourds. J’avais envie, face à la chair en masse, d’avoir un décor un peu contradictoire.

Vous êtes-vous fondé sur un désir de parler d’une société, ou des rapports de pouvoir qui sont à l’œuvre au sein de groupes d’individus ?

J. T. : C’est venu davantage d’une pensée presque plastique plus que d’une réflexion sociétale. J’aime cette idée simple d’un homme en face d’un groupe, et cette chimie-là est suffisamment intéressante. Après avoir posé ces ingrédients, le sujet émerge naturellement.

La question du personnage et de l’histoire de ce monarque n’est donc venue qu’après ?

J. T. : Oui, mais dans cette situation de pouvoir évidente qui était celle d’un monarque dirigeant ses sujets, j’ai éprouvé la nécessité d’une inversion : un homme au final totalement esclave de ce groupe, tout en les dirigeant, pour sortir du conte un peu gentillet du méchant tyran qui se profilait. J’ai pris les choses à l’envers dans l’idée d’une révolution par le haut, avec un roi cherchant à déconstruire les effets de son pouvoir. J’ai presque organisé un groupe qui réclame son monarque ! Mais le spectacle reste une évocation, car la logique chimique et rythmique prend le pas. Je choisis toujours la matière scénique avant la narration, le ressenti et l’émotion primaire avant la satisfaction mentale du spectateur.

Qu’évoque le titre ?

J. T. : Un titre pour moi, c’est comme un bibelot, un petit objet qu’on aime. Il n’est pas le meuble, il n’est pas la maison, mais il met en relief tout le reste. Les spectateurs se l’approprient comme un ingrédient, un goût dans la bouche. Tabac rouge, c’est une texture, une impression… A l’origine, ce titre est le fruit d’une inversion du mot abat-jour. J’ai bien aimé ce titre. Je trouvais qu’il était un peu toxique, qu’il parlait d’addiction, et qu’il était baroque.

 

Propos recueillis par Nathalie Yokel

A propos de l'événement

Tabac rouge
du jeudi 22 mai 2014 au samedi 24 mai 2014
TNT - Théâtre National de Toulouse
1 Rue Pierre Baudis, 31009 Toulouse, France

Tél : 05 34 45 05 05. Site : www.tnt-cite.com

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