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Focus -283-Festival Odyssées en Yvelines

Le Joueur de flûte de Joachim Latarjet, face à la méchanceté des hommes

Le Joueur de flûte de Joachim Latarjet, face à la méchanceté des hommes - Critique sortie Théâtre Sartrouville
Joachim Latarjet Crédit : Olivier Ouadah

D’après le conte des frères Grimm / texte, musique et mes Latarjet

Entretien / Joachim Latarjet

Publié le 16 décembre 2019 - N° 283

Joachim Latarjet allie la noirceur inquiétante du conte des frères Grimm au souffle ensorcelant du trombone en un spectacle qui interroge les conditions et l’origine de la méchanceté humaine.

Pourquoi avoir choisi de partir du Joueur de flûte de Hamelin ?

Joachim Latarjet : Pour ce spectacle, je suis musicien, metteur en scène et auteur, mais ce qui me guide, c’est avant tout la musique et sa puissance. Ce qui me plaisait dans le conte des frères Grimm, c’est que le joueur de flûte parvient à faire des prodiges avec son instrument et ses mélodies : il attire les rats dans la montagne et, ensuite, il y conduit les enfants, pour, semble-t-il, se venger de la bêtise et de la méchanceté des adultes. Qui est donc cet homme qui a ce curieux pouvoir ? J’ai voulu m’intéresser à l’enfance de ce joueur de flûte, dont le conte ne dit évidemment rien, ce qui permet de tout imaginer ! Comment en est-il arrivé là, à vendre sa musique pour dératiser la ville ? Il faut reconnaître que ce personnage n’est pas très sympathique. Il n’agit pas gratuitement, par bonté ou philanthropie. C’est son métier. Il dératise. Quelle a pu être l’enfance d’un tel homme ? J’ai imaginé un enfant secret, un peu à part et qui subit la méchanceté des autres enfants.

Et qui les tuent pour se venger ?

J.L. : Non ! Le conte ne le précise pas. Sa cruauté et sa noirceur viennent de l’analogie entre les rats et les enfants. Mais le conte – très court – dit que la ville, peuplée d’habitants égoïstes et administrée par une mairesse malhonnête, est envahie par les rats. Le joueur de flûte se présente, débarrasse la ville des rats et présente sa note à ceux dont il a réglé le problème. Mais les notables n’acceptent de payer que la moitié de la somme convenue au départ. Le joueur de flûte enlève alors les enfants et part avec eux dans la montagne. J’imagine qu’il ne tue pas les enfants mais qu’il refuse de les laisser entre les mains de gens aussi malfaisants, bêtes et sournois. J’aimerais jouer avec cette complexité et la faire toucher aux enfants qui assistent au spectacle.

« La musique représente une forme de liberté, et avec elle, on peut prendre le pouvoir. »

Quelle installation scénique avez-vous choisie ?

J.L. : Le décor est assez simple, ce qu’imposent les conditions d’Odyssées. Mais j’ai quand même voulu recréer une sorte de petit théâtre, même en le faisant le plus léger possible, pour que les enfants aient vraiment l’impression d’un changement entre le lieu tel qu’il le fréquentent habituellement et ce que devient ce lieu quand un spectacle s’y installe. Il y a donc une petite scène, un peu comme quand le théâtre s’installait dans les villages, et des écrans qui permettent de changer de décor comme le permettaient les toiles du théâtre forain. Une narratrice – Alexandra Fleischer –  raconte et chante l’histoire. Elle interprète la mairesse de la ville, un dératiseur et d’autres personnages pendant que j’interprète seul le joueur, non pas de flûte mais de trombone !

Quelle musique avez-vous composée ?

J.L. : La musique est évidemment omniprésente et je l’ai composée avec l’idée que quand les enfants (ceux du conte autant que ceux de la salle !) sont attirés par une musique, c’est parce qu’ils sentent qu’elle leur est adressée. Souvent les adultes ne comprennent pas la musique qu’écoutent les enfants. Ainsi quand l’électro a débarqué – mais ce fut aussi le cas, bien avant, avec le jazz – ceux qui l’écoutaient, souvent les plus jeunes, considéraient que cette musique n’appartenait qu’à eux… C’est cette liberté-là que découvrent les enfants avec la musique. C’est pour cela que j’ai fait en sorte que la musique et le texte de ce spectacle ne soient que pour eux, afin qu’ils comprennent aussi que la musique représente une forme de liberté, et qu’avec elle, on peut prendre le pouvoir. J’utilise le trombone comme le joueur se sert de son instrument : comme un outil. Je porte une ceinture spéciale qui me permet d’y ranger les sourdines et l’instrument change ainsi de son. L’effet est à la fois sonore et visuel. J’ai aussi un petit clavier sur pied pour faire des boucles. La musique que j’ai composée, électrique et assez moderne d’inspiration, est une musique assez imagée, mais aussi un peu mélancolique… Le son du trombone est assez triste et permet de raconter des histoires aux enfants auxquels ce spectacle est vraiment adressé.

 

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

Le Joueur de flûte de Joachim Latarjet, face à la méchanceté des hommes


Au Théâtre de Sartrouville les 25, 29 et 31 janvier 2020. Dans les Yvelines du 13 janvier au 14 mars 2020. Durée : 45 minutes.

 

Théâtre de Sartrouville et des Yvelines, Centre dramatique national,

Place Jacques Brel, 78500 Sartrouville.

Festival Odyssées en Yvelines,

du 13 janvier au 14 mars 2020.

Tél : 01 30 86 77 79.

www.theatre-sartrouville.com

 

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