La Mouette et Eden, conception et mise en scène Cyril Teste / collectif MxM
Spectacle remarquable, La Mouette plonge [...]
Focus -292-Les Gémeaux à Sceaux
Le divin chant d’Orphée réinventé, L’Orfeo sublime de Monteverdi et la langue de Novarina qui caracole composent un alliage de toute beauté, façonné par le metteur en scène Jean Bellorini.
Le théâtre résonne ici de toute sa liberté performative, s’aventurant dans des territoires autres que ceux où la langue raisonne, où la langue dit. Nous sommes dans un endroit étrange, entre deux mondes, entre le plateau et ses dessous, entre les vivants et les morts qui se retrouvent, s’interrogent, se révoltent, se mêlent, se taquinent… Se regardent au risque de se perdre à jamais, comme lorsqu’Orphée le vivant, le désirant, malgré lui se retourne vers Eurydice, l’aimée qu’il est venu chercher au-delà du Styx. Commandée par Jean Bellorini à Valère Novarina, cette réécriture totalement libre du mythe d’Orphée et Eurydice célèbre cette faculté humaine d’exprimer hors de soi un rapport fougueux au monde, à la vie, à la mort – « un état nul, stagnant » -, à Dieu, si malmené et si invoqué. Profuse, organique, exubérante, la langue jaillit et habite le plateau de son entêtement. Qu’importe la perplexité que génère le flot du langage, avec ses insistances et longueurs, l’essentiel se tient ailleurs, dans les fulgurances, les folles inventions, le vertige des énumérations, l’humour vif, la poésie qui caracole, les corps qui jouent… Et bien sûr la musique, dirigée par Sébastien Trouvé. Chacun peut s’en saisir, laissant voguer son imaginaire.
Le feu de la vie plus que le feu de l’enfer
L’un des premiers spectacles de Jean Bellorini fut l’adaptation en 2008 d’un acte de L’Opérette imaginaire. Douze ans plus tard, il orchestre cette nouvelle partition novarinienne de main de maître, accompagné par d’excellents comédiens, musiciens et chanteurs, complices de longue date ou jeunes pousses, tous magnifiques. La musique et le chant révèlent leur pouvoir enchanteur, qui peut « apaiser les tourments et enflammer les cœurs froids ». Dans la carcasse d’un piano troué un corps se faufile et prend la parole, des dessous de la scène s’élève un invité-surprise, du chaos s’impose un chant d’amour : une force poétique poignante se dégage de ces mouvements. Les lumières splendides que Jean Bellorini a façonnées évitent toute sensation d’artifice, telles cette forêt de servantes comme des gardiens de nuit ou cette sublime ligne de feu, diagonale éphémère qui se consume et disparaît. Le théâtre ou l’espace d’un rêve fragile…
Agnès Santi
du mercredi au samedi à 20h45, dimanche à 17h. Spectacle vu à La Fabrica lors de la semaine d’art en Avignon en octobre 2020. Durée : 2h.
Tél : 01 46 61 36 67. www.lesgemeaux.com
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