Aurélie Van den Daele crée une fable urbaine au long cours
Neuf ans après sa remarquable mise en scène [...]
Auteur originaire des quartiers nord de Marseille, Sidney Ali Mehelleb donne vie, dans 1200 Tours, à 17 personnages pleinement ancrés dans les bouillonnements de notre époque : une rappeuse emprisonnée pour avoir déclenché une émeute un 14 juillet ; son avocate ; son amie d’enfance devenue députée ; le compagnon de cette dernière, journaliste star du JT de 20h ; une vieille dame algérienne, appelée Mère Courage, qui tient un kiosque à journaux…
« 1200 Tours est une pièce sur les médias, sur l’information et la désinformation, sur notre relation à la presse indépendante ou, au contraire, à la presse liée à des intérêts économiques et financiers. Je me suis inspiré de gens que je connaissais. J’ai voulu voir comment on peut vivre avec ça, comment les uns et les autres se documentent, s’informent, comment notre rapport à l’information peut influer sur nos émotions. Ayant grandi à Marseille avec des femmes d’origine algérienne, j’ai eu envie que les deux personnages centraux de ma pièce viennent de ce monde-là, de cet héritage du quartier, avec la relation forte au hip-hop que cela implique. J’ai toujours considéré le hip-hop comme une façon de s’informer sur ce qui se passe dans les quartiers. Pour moi, d’une certaine manière, les rappeurs et les rappeuses sont aussi des journalistes. La présence du rap dans 1200 Tours n’est pas du tout accessoire. C’est vraiment une façon d’affirmer que cette forme d’expression artistique peut avoir une place sur un plateau de théâtre. L’imaginaire de ce triptyque puise également dans les accents de comédie d’un film que j’aime énormément : To be or not to be d’Ernest Lubitsch, qui met en lumière l’univers d’une troupe de théâtre en temps de guerre.
Le militantisme comme endroit de poésie
Le sous-titre de 1200 Tours précise qu’il s’agit d’une « comédie naïve, militante et pleine d’espoir ». J’ai en effet voulu que l’on puisse rire de ce qui arrive à tous ces personnages — malgré les difficultés qu’ils traversent, malgré le chaos de notre époque — que l’on puisse en rire avec la naïveté de l’enfance, qui offre parfois la possibilité d’une grande lucidité. Et puis, 1200 Tours est aussi une œuvre militante qui se situe dans le mouvement, dans la construction, dans la vie. Pour moi, il est toujours très important que le militantisme ne soit pas un endroit de violence, d’enfermement, mais un endroit de poésie qui mette en lumière la possibilité de l’ouverture et du partage. Cela, de façon presque cosmologique. Car 1200 Tours n’est pas uniquement habité de femmes et d’hommes. Il y a un arbre, des pigeons, des trous noirs… Pour moi, être militant, c’est aussi prêter attention aux choses qui, d’ordinaire, ne sont pas regardées. Tous mes textes comportent une dimension de lutte sociale, pour essayer de comprendre, avec les spectatrices et spectateurs, par le biais de fictions théâtrales souvent très physiques, presque sportives, le monde dans lequel nous vivons. »
Focus réalisé par Manuel Piolat Soleymat
Du 20 au 29 mars au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis.
Tél. : 05 55 79 90 00.
Neuf ans après sa remarquable mise en scène [...]