La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -240-Région, Angers / Le QUAI

Inventer un lieu

Inventer un lieu - Critique sortie Théâtre Angers
Crédit : Thierry Bonnet Légende : Frédéric Bélier-Garcia, nouveau directeur du Quai.

Entretien / Frédéric Bélier-Garcia

Publié le 29 janvier 2016 - N° 240

A la tête de l’institution née de la fusion de l’Etablissement public de coopération culturelle Le Quai et du Centre dramatique national Pays de la Loire, Frédéric Bélier-Garcia revient sur le projet qu’il souhaite mettre en œuvre au sein de ce nouveau centre de création.

Qu’est-ce qui vous a convaincu de sortir du seul champ du théâtre pour prendre la direction du Quai ?

Frédéric Bélier-Garcia : Le désir d’une évasion collective, en amitié avec toutes les équipes du Quai. Inventer un lieu, c’est pour moi une manière de provoquer du spectacle, en vacarme avec le pouls d’une ville. La monumentalité du Quai permet, dès cette saison, d’y faire entrer une patinoire, un tournage de cinéma, toutes sortes d’installations… Elle permet de gober du temps présent, des pratiques sociales, des savoirs, l’exposition de ces savoirs, et de retranscrire tout cela en spectacles, en concerts, en expositions.

Quel projet est au cœur de ce nouveau chemin pris par Le Quai ?

F. B-G. : Notre ambition, déjà mise en actes, est de faire émerger un foyer de créations rassemblant des artistes de tous horizons (auteurs, acteurs, circassiens, musiciens, plasticiens…) à partir de leurs propres projets. Il est aussi d’impulser des aventures communes, qui pourront donner lieu à des installations, des cabarets, des rendez-vous savants mêlant actes artistiques et interventions universitaires, des publications, des ateliers de formation en commun…

Quelles places les différentes structures installées au sein du Quai occupent-elles dans cette nouvelle organisation ?

F. B-G. : Les équipes du Nouveau Théâtre d’Angers (ndlr, Centre dramatique national Pays de la Loire) et de l’EPCC – Le Quai (ndlr, Etablissement public de coopération culturelle) ont fusionné pour créer un Centre dramatique national unifié de quarante salariés, avec des missions de programmation élargies, au-delà du théâtre, vers le cirque, les arts visuels et la musique. Les succès passés nous octroient une relative liberté dans la définition de ce lieu et de son activité. D’autre part, le Quai-CDN abrite, en connivence et en tendresse, le Centre national de danse contemporaine d’Angers et son école. Il doit veiller à leur prospérité.

Quels événements avez-vous choisi de placer au centre de votre saison 2016/2017 ?

F. B-G. : Tout essor s’architecture autour de fidélités et de nouveautés. C’est pourquoi j’ai souhaité revenir à l’écriture de Marie NDiaye, dont j’ai créé le premier texte, Hilda, en 2002. Je vais ainsi mettre en scène sa prochaine pièce : Honneur à notre élue. Lors des saisons précédentes, nous avons accueilli en résidence de nombreux collectifs. Ils se sont, depuis, installés dans le paysage artistique. Ces liens nous ont forgés. Nous poursuivrons ces compagnonnages. Ainsi, nous coproduirons le nouvel opus du metteur en scène Sylvain Creuzevault, dont nous avons déjà présenté Notre Terreur et Le Capital.

« Inventer un lieu, c’est une manière de provoquer du spectacle, en vacarme avec le pouls d’une ville. »

Et en ce qui concerne les nouvelles collaborations ?

F. B-G. : Nous intégrons, dès cette année, deux artistes associés : Chloé Dabert et Jonathan Capdevielle. Nous produirons leurs projets et leur demanderons de participer à la vie du Quai. Soit en prenant part à nos activités de formation, soit en créant un cabaret dont les numéros, avant de faire revue, seront expérimentés dans les boîtes de nuit de la ville. D’autres artistes s’installeront à Angers pour des résidences de création. Des circassiens : Vimala Pons et Tsirihaka Harrivel, Olivier Meyrou et Matias Pilet. Les musiciens du groupe Zenzile. Et, pour le théâtre, les collectifs angevins Map et Citron. En ce qui concerne les textes, l’an prochain sera une saison en grande partie française puisque, outre la pièce de Marie NDiaye, nous créerons des œuvres d’Eric Reinhardt et de Mariette Navarro. Enfin, avec Nicolas Roux, notre nouveau délégué général, nous engagerons des partenariats internationaux, notamment autour d’une création d’Alan Pauls et de Mathilde Monnier, El Baile, inspirée du Bal du Campagnol, et autour d’un spectacle de Lola Arias.

Avant Honneur à notre élue, vous allez cette année mettre en scène Chat en Poche. Quel regard portez-vous sur le théâtre de Georges Feydeau ?

F. B-G. : J’ai choisi Feydeau pour fêter le lieu. Feydeau est un désir d’acteurs. Un désir qu’un metteur en scène peut avoir pour ses acteurs, qui piaulent devant Feydeau comme face à un Mont Ventoux de l’art dramatique. Foin de Jouvet, foin de Brook, foin des Russes, foin de modernité : c’est un tout schuss où, plus on est lourd, plus on glisse vite, et plus la légèreté sera grande au firmament. Chez Feydeau, la France est donnée à contempler avec des bouts de terre encore accrochés à ses racines. Et on lui fait sa fête, dans tous les sens du terme. D’autant que Chat en Poche, pièce de jeunesse, incarne cette folie sans — encore — tomber dans un système. On y concasse de l’idiotie sans filet.

Quels sont les principaux partis pris de votre mise en scène ?

F. B-G. : Souvent, Feydeau est garroté par sa gangue. Ma tentative sera d’en délivrer la furie en suivant les voies de traverse que suggère la pièce : en allant vers l’opéra, vers le rêve. Cet ouvrage sonde notre besoin de culture. A quoi celle-ci sert-elle vraiment, si ce n’est à nous essorer de notre ennui fondamental ? A donner un lustre à notre vie en l’arrachant au goût du gigot dominical ? Quand on ouvre un lieu, cette réflexion vaut dote et antidote.

 

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Chat en Poche
du mardi 23 février 2016 au samedi 12 mars 2016


Le Quai (Espace de création, diffusion, formation et médiation du Centre national de danse contemporaine et du Centre dramatique national Pays de la Loire).

Tél. : 02 41 22 20 20. www.lequai-angers.eu

 

 

 

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