Have a good day ! et Requiemachine

Les anciens pays satellites du bloc soviétique vivent une période de transition politique, économique mais aussi artistique. La création musicale y est d’une diversité et parfois d’une audace encore méconnues. Il ne faut ainsi pas manquer les deux spectacles proposés à la Forge d’Harfleur, en banlieue du Havre : Have a good day ! et Requiemachine. Le premier nous vient de Lituanie. Il s’agit d’un « opéra pour dix caissières, bruits de supermarché et piano ». La compagnie Operomanija réunit théâtre, musique et performance dans cet ovni, qui tient autant de Christoph Marthaler que de Jacques Tati. Le livret de Vaiva Grainyté dénonce, avec un humour grinçant, les dérives de la société de consommation, un sujet qui concerne de près les pays baltes, passés du communisme à l’économie de marché. La mise en scène de Rugilé Barzoziukaité joue pleinement la carte du surréalisme, tandis que la musique électronique de Lina Lapelyté, délibérément postmoderne, offre un contrepoint hypnotique.

Manifeste social

La politique est également très présente dans Requiemachine, conçu par la metteur en scène polonaise Marta Gornicka. Ce sont cette fois-ci des ouvriers qui se retrouvent sur le devant de la scène. Ils nous livrent un véritable manifeste social, basé sur des textes du poète Wladislaw Broniewski. La violente charge contre le système libéral fait écho à la situation actuelle de la Pologne, coincée entre une Europe en crise et un voisin russe aux aspirations expansionnistes. Dans ces deux créations, l’art se retrouve au cœur des enjeux de société. Metteur en scène, compositeur, librettiste osent y affirmer un engagement radical. Et au-delà des prises de position, ces spectacles font fi des catégories sclérosantes pour offrir un cocktail des formes artistiques, explosif et réjouissant.

Antoine Pecqueur