La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -250-Spirito

Grande Dame de Chœur

Grande Dame de Chœur - Critique sortie Classique / Opéra
© Guillaume Ducreux

ENTRETIEN NICOLE CORTI

Publié le 26 décembre 2016 - N° 250

La nouvelle directrice musicale du chœur Spirito présente son ambitieux projet.

Comment est né le chœur Spirito dans sa nouvelle forme ?

Nicole Corti : Spirito est le fruit de la rencontre et de l’association de deux chœurs professionnels implantés en Région Rhône-Alpes : les Chœurs et Solistes de Lyon que dirige Bernard Tétu (il quittera ses fonctions de co-directeur artistique en janvier), et le Chœur Britten que je dirige depuis 30 ans. Cette rencontre s’est transformée en fusion pour des raisons stratégiques, administratives et économiques afin d’aboutir à un chœur professionnel que nous souhaitons un chœur référent en Région Auvergne-Rhône-Alpes.

« Créer un pont entre la psychologie de celui qui chante et la psychologie de celui qui écoute. »

Cette fusion va-t-elle modifier le répertoire auquel vous allez vous consacrer ?

N. C. : Les deux chœurs avaient des identités bien différentes : les Chœurs et Solistes de Lyon s’attachaient à la musique romantique de la fin du XIXe et du début du XXe, tandis que le Chœur Britten était tourné vers la musique baroque du XVIIIe et la création contemporaine. Aujourd’hui, le chœur Spirito s’inscrit dans la continuité du travail amorcé par Bernard Tétu sur la musique romantique mais nous poursuivrons les concerts de musique baroque et des programmes de musique contemporaine. Comme nous disposons de chanteurs spécialisés dans l’ensemble de ces domaines, nous pouvons être éclectiques. En plus des questions de répertoire, le renouveau du chœur repose surtout sur un travail qui permettra aux chanteurs d’être à la fois des chanteurs sur scène, mais aussi des chanteurs en mouvement, en insistant sur leurs qualités de présence. Nous allons nous associer à des artistes de tous plans, par exemple le compositeur, cinéaste et chorégraphe Thierry De Mey. Ce compagnonnage va permettre une autre vision du chœur professionnel qui alliera de façon extrêmement subtile (du moins nous l’espérons !) la question visuelle à la question auditive, sans que l’une ne prenne le pas sur l’autre.

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Vous avez en effet une image du chœur extensive et originale, où la voix est aussi importante que le texte, l’image, la danse… Comment êtes-vous arrivée à cette vision ?

N. C. : La musique contemporaine nous prépare à cela car en explorant des univers méconnus ou inconnus, elle a besoin de la qualité de présence des chanteurs pour créer un contact avec le public, créer un pont entre la psychologie de celui qui chante et la psychologie de celui qui écoute. Cette façon d’être sur scène repose évidemment sur la capacité de concentration des chanteurs, leurs qualités d’attitude, mais elle va maintenant être enrichie par un rapport à la scène plus mouvant et plus direct au public, en demandant aux choristes de chanter par exemple cœur les œuvres présentées.

En matière d’ouverture à tous les publics, vous avez un engagement presque militant, notamment en travaillant dans les prisons.

N. C. : Cela a toujours été un volet important. Je pense que la musique a besoin d’être reçue par des personnes qui ne se sentent pas du tout connectées au monde de la musique dite classique. La musique a des vertus importantes au plan du développement personnel et représente un vecteur potentiel important de sociabilisation. Le chant a cette vertu de faire comprendre que la voix est un facteur identitaire fort. Chacun a une voix et une voix différente de celle de son voisin. Faire redécouvrir à des détenus la possibilité de chanter, leur faire retrouver des mélodies qu’ils ont chantées dans leur enfance, puiser dans la sensibilité, être écouté pour cette sensibilité, c’est déjà un pas très important. Ce cas extrême de la prison contient finalement tous les germes de nos actions dans le milieu culturel. Ainsi, le travail avec les enfants consiste, par le chant, à acquérir de la confiance dans son corps, dans sa sensibilité, dans son intelligence. La notion collective est aussi très importante. Les enfants se constituent un capital sensible qu’ils mettent au service du travail collectif : au fond, c’est ce qu’on attend d’un citoyen dans une société.

 

Propos recueillis par Isabelle Stibbe

 

Spirito, 21 rue d’Algérie, 69001 Lyon. Tél : 04 72 98 25 30.  www.spirito.com

A propos de l'événement

NICOLE CORTI

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