La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -239-TM+, ensemble orchestral de musique d’aujourd’hui.

Fédérer des forces différentes

Fédérer des forces différentes - Critique sortie Classique / Opéra Nanterre Maison de la musique de Nanterre
Légende : Dominique Laulanné, directeur de la Maison de la musique de Nanterre. © Dominique Jassin

ENTRETIEN / Dominique Laulanné

Publié le 23 décembre 2015 - N° 239

Le directeur de la Maison de la musique de Nanterre a imaginé avec Laurent Cuniot la reprise de Counter Phrases, qui mêle les images de chorégraphies d’Anne Teresa de Keersmaeker, filmées par Thierry de Mey, à la musique de compositeurs contemporains et du joueur de kora Ballaké Sissoko. Un objet artistique étonnant où les arts s’interpénètrent et se donnent du sens.

Quelle est l’origine de Counter Phrases ?

Dominique Laulanné : En 2003, Thierry de Mey, qui est à la fois compositeur et cinéaste, réalise dix films de danse avec la chorégraphe Anne Teresa de Keersmaeker, et confie l’écriture musicale de chacun d’eux à dix compositeurs, parmi lesquels Jonathan Harvey, Steve Reich, Luca Francesconi, Fausto Romitelli… C’est un projet qui crée un lien inédit entre la musique, la danse et les images, pour lequel Thierry de Mey s’est appuyé sur la complicité d’un ensemble instrumental, l’ensemble Ictus.

« Un projet qui crée un lien inédit entre la musique, la danse et les images. »

Qu’est-ce qui vous a poussé à reprendre ce projet, treize ans après ?

D. L. : Nous avons beaucoup montré le travail de Thierry de Mey à la Maison de la musique. Il y a trois ou quatre ans, quand nous avons envisagé de remonter Counter Phrases, nous savions que nous pourrions retrouver avec Laurent Cuniot et ses musiciens la complicité et l’envie indispensables à un tel projet. Or, entre-temps, Thierry de Mey avait beaucoup travaillé en Afrique, notamment à Kinshasa, et avait eu l’idée de reprendre les films de Counter Phrases avec des musiciens locaux. Nous avons alors souhaité bâtir ce nouveau projet autour de Counter Phrases avec, dans un même flot continu, ces musiques différentes.

Il y aura donc sur scène un ensemble de musique contemporaine, TM+, et des musiciens africains ?

D. L. : Oui, et aussi l’Orchestre symphonique de Mulhouse. Cela fait vraiment partie d’un désir que nous partageons, Laurent Cuniot et moi, qui est de frotter la musique contemporaine à d’autres disciplines, à d’autres artistes. Le rôle de la Maison de la musique est de fédérer des forces différentes. Pour la musique africaine, il nous fallait trouver un musicien qui puisse entrer dans ce rapport de force avec d’autres musiques, avec les images avec la danse. C’est le cas de Ballaké Sissoko, avec lequel nous avons déjà travaillé en novembre dernier pour un “Voyage de l’écoute“ où il partageait le plateau avec TM+ et la musique de Bernard Cavanna. La délicatesse de la kora et de la musique mandingue apporte une humanité dont nous avons bien besoin aujourd’hui.

L’offre culturelle est souvent cloisonnée. Est-ce un pari artistique de faire se côtoyer des genres – mais aussi des publics – différents ?

D. L. : Au-delà de la complexité inhérente à un tel projet, il y a de notre part une vraie volonté d’inviter à une pratique culturelle ouverte, qui aille à l’encontre d’une offre de niches, d’une spécialisation par genre. Counter Phrases cette année n’est pas un spectacle comme un autre : c’est un véritable événement artistique, qui oblige à penser les arts différemment. Est-ce un spectacle de danse ? Oui, sans doute, même si les danseurs sont à l’écran : c’est une façon de montrer des formes artistiques liées à la danse, au mouvement. La musique, mais aussi les bruits du monde, puisque les films de Thierry de Mey sont tournés en extérieur et que le son direct est surexposé, donnent corps à la danse, donnent corps aux corps. Je crois beaucoup à la perception inconsciente des choses : on sent ce qui nous touche avant même parfois de pouvoir le comprendre. J’espère que ce rapprochement des musiques et de l’image fera bouger la perception pour le public, mais aussi pour les artistes eux-mêmes.

 

Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun

A propos de l'événement

TM+
du vendredi 5 février 2016 au vendredi 24 juin 2016
Maison de la musique de Nanterre
8 Rue des Anciennes Mairies, 92000 Nanterre, France

Tél. : 01 41 37 76 16

www.tmplus.org

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